Les non-dits de l'économie

L’hypocrisie de l’échange automatique de renseignements

Comme le communiqué de presse du Conseil fédéral daté du 9 mai l’indique, « [l]ors de sa séance du 9 mai 2018, le Conseil fédéral a adopté le message concernant l’approbation des accords avec Singapour et Hong Kong sur l’échange automatique de renseignements (EAR) relatifs aux comptes financiers. Dans ce même message, il propose au Parlement d’introduire l’EAR avec d’autres places financières. »

La motivation du Conseil fédéral pour faire ce pas important vers l’EAR est désopilante, parce qu’elle se limite à vouloir « harmoniser les conditions de concurrence à l’échelle mondiale » en ce qui concerne les activités effectuées sur les différentes places financières. En clair, selon le Conseil fédéral, la Suisse doit adopter le régime de l’EAR afin de garantir « [l]a création de conditions de concurrence équitables (level playing field) à l’échelle mondiale » pour l’ensemble des institutions financières qui mènent leurs activités sur l’une ou l’autre de ces places à travers le monde.

Dans les quelque soixante pages de son message, le Conseil fédéral ne mentionne aucunement la nécessité pour chaque État de récolter les ressources fiscales qu’il est légitimé à recevoir à partir de la richesse produite dans sa propre juridiction. Sans l’EAR, en effet, bien des États sont dans l’impossibilité de récolter les ressources fiscales qui leur échappent suite à la soustraction d’impôts des résidents qui déposent une partie de leurs avoirs à l’étranger. Cette perte de ressources fiscales amène de nombreux États à mettre en œuvre des mesures d’austérité, réduisant les dépenses publiques là où il y a moins de résistances, à savoir, en général, dans le domaine des politiques sociales.

Si les autorités helvétiques étaient réellement convaincues que l’EAR doit être mis en place au plan international, elles l’adopteraient pour les bienfaits que celui-ci comporte dans l’ensemble de la société – et par conséquent dans l’ensemble de l’économie – permettant de soutenir notamment le développement économique de manière durable dans le temps comme dans l’espace, au lieu de ne retenir que l’argument de la compétitivité de la place financière suisse.

Sur ce plan, par ailleurs, l’argument utilisé par le Conseil fédéral est faible, considérant que, si vraiment il avait voulu assurer un « level playing field » à l’ensemble des institutions financières, le Gouvernement suisse aurait pu intervenir déjà bien avant qu’il a été obligé de le faire par les pressions internationales induites par l’éclatement de la crise financière globale en 2008.

Faut-il rappeler à la Berne fédérale que « vouloir, c’est pouvoir » ?

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