Les non-dits de l'économie

Une réforme structurelle pour la stabilité financière

Dans deux mois le peuple suisse aura exprimé son avis en ce qui concerne l’initiative pour une «Monnaie pleine», visant à empêcher les banques secondaires d’ouvrir des lignes de crédit sans avoir une épargne préalable afin de financer ces crédits, dont le résultat fait augmenter la masse monétaire dans l’ensemble du système bancaire.

La classe politique, les milieux économiques et les institutions financières sont contraires à cette initiative, parce qu’ils craignent de perdre une partie de leurs propres privilèges de court terme liés à l’émission de monnaie scripturale par les banques secondaires. Il est dès lors évident que l’initiative «Monnaie pleine» sera refusée le 10 juin 2018. Néanmoins, il sera utile de continuer à réfléchir sur la nécessité de mettre en œuvre une réforme structurelle d’ordre monétaire, en Suisse comme ailleurs, pour éviter que les banques – notamment celles trop grandes pour faire faillite – continuent d’abuser de leur capacité de créer de la monnaie ex-nihilo. Cette création monétaire excessive donne lieu à des bulles du crédit qui, lorsqu’elles enflent, augmentent la fragilité financière du système bancaire dans son ensemble. Il suffit de rappeler la bulle des «subprime» aux États-Unis pour comprendre les effets dramatiques induits par l’abus du levier du crédit par les banques – qui doivent par conséquent être réglementées beaucoup mieux et davantage que les institutions financières non-bancaires (qui ne peuvent pas octroyer des crédits sans avoir d’abord récolté l’épargne nécessaire pour ce faire).

Sans passer d’un extrême à l’autre, entendez passer du régime bancaire ultralibéral actuel au régime monopolistique proposé par l’initiative «Monnaie pleine», il convient de faire en sorte qu’une troisième voie assure davantage de stabilité financière au secteur bancaire, soutenant l’économie réelle qui engendre des richesses, des places de travail et des recettes fiscales.

Ainsi que le proposa David Ricardo en 1824 pour la Banque d’Angleterre, il faut séparer de manière explicite dans la comptabilité des banques l’émission monétaire et l’octroi de crédit. Cette séparation permettra de voir clairement lorsqu’une banque abuse de sa capacité d’ouvrir des lignes de crédit sans avoir l’épargne suffisante pour financer des transactions purement spéculatives, qui enflent la masse monétaire sans aucunement contribuer à la production.

L’inflation est définie justement par l’écart existant entre la masse monétaire et tout ce qui est produit dans l’ensemble de l’économie, étant donné que le pouvoir d’achat de la monnaie dépend de ce que l’on peut acheter sur le marché des biens et services.

Pour comprendre quel type de réforme monétaire mettre en œuvre, il faut avant tout comprendre la nature de la monnaie bancaire. L’initiative «Monnaie pleine» peut aider à ce faire, mais à cet égard il faut que le débat politique soit objectif et désintéressé, au lieu d’être très superficiel et partisan.

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