Les non-dits de l'économie

Monnaie et crédit doivent être séparés

Dans quelques mois, le peuple suisse sera appelé à se prononcer sur l’initiative populaire pour une «Monnaie pleine», qui veut empêcher les banques d’ouvrir des lignes de crédit à n’importe quel sujet économique au-delà de l’épargne qu’elles récoltent auprès de leur clientèle. Selon les initiants, cette possibilité doit être du seul ressort de la Banque nationale suisse, qui doit dès lors être la seule banque pouvant émettre de la monnaie scripturale, comme cela est le cas depuis 110 ans en ce qui concerne les billets de banque.

L’objectif de cette initiative est d’empêcher de nouvelles crises financières d’ordre systémique, après celle qui avait éclaté en 2008 au plan global, suite à l’abus systématique que les banques ont fait de leur possibilité d’octroyer des crédits au-delà des besoins de l’économie réelle. Il est désormais évident, en effet, que les banques ont davantage d’intérêt à ouvrir des lignes de crédit pour effectuer des transactions financières, au vu des rendements plus élevés de ces transactions, par rapport à ceux découlant des investissements dans l’économie réelle. Or, s’il appartient aux banques de décider si octroyer ou refuser un crédit à n’importe quel sujet économique, il n’est pas correct de leur laisser la possibilité de manœuvrer le levier du crédit sans aucune contrainte visant la stabilité financière de l’ensemble du système économique.

Afin d’éviter l’abus du levier du crédit par les banques, les réformes cosmétiques introduites par les Accords de Bâle ne sont pas suffisantes, étant donné qu’elles focalisent l’attention sur les risques découlant des crédits bancaires. Il faut se concentrer en fait sur les opérations qui font augmenter le volume des crédits octroyés par les banques dans leur ensemble. C’est sur ce type d’opérations qu’il faut poser des contraintes d’ordre monétaire et structurel afin d’empêcher la prochaine crise financière systémique.

Il ne s’agit pas de dénaturer le fonctionnement du système bancaire, mais de le rendre conforme à la nature scripturale de la monnaie, séparant de manière explicite dans la comptabilité bancaire l’émission monétaire et l’octroi de crédit, parce que monnaie et crédit sont deux entités séparées, même si celle-là est émise à travers celui-ci.

Celles et ceux qui connaissent l’histoire de la pensée économique se souviennent qu’en 1824 D. Ricardo proposa de séparer la comptabilité de la Banque d’Angleterre en deux départements, qui enregistraient, d’une part, les émissions monétaires et, d’autre part, l’octroi de crédit, afin d’éviter que la banque centrale émette trop de billets de banque par rapport à l’or déposé dans ses coffres. De nos jours, il faut faire en sorte de revenir à la discipline de l’étalon-or, sans néanmoins commettre l’erreur de penser que l’émission monétaire doive être liée aux réserves de métaux précieux auprès de la banque centrale.

Le pouvoir d’achat de la monnaie dépend, en fait, de ce qui est produit dans l’ensemble du système économique. Monnaie et production doivent donc être étroitement liées entre elles. À défaut, les banques vont continuer à représenter un risque systémique pour l’économie et la société.

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