Les non-dits de l'économie

Une fois la poussière retombée

La chute brutale et inattendue du taux de change de l’euro par rapport au franc suite à l’annonce de la Banque nationale suisse (BNS) d’avoir abandonné le taux de change plancher entre ces deux monnaies, le 15 janvier 2015, a soulevé beaucoup de poussière, notamment en Suisse.

Une fois la poussière retombée, il est possible de saisir plus clairement les effets d’une telle décision historique, assortie de l’introduction d’une commission (de 0,75 pourcent) que les banques et d’autres institutions financières devront désormais payer pour déposer une partie de leurs avoirs à la BNS.

L’appréciation du taux de change du franc suisse comporte certes des difficultés pour les entreprises helvétiques tournées vers l’exportation. Il faut toutefois remarquer que les grandes entreprises transnationales, notamment dans l’industrie pharmaceutique, ainsi que celles vendant des objets de luxe, ne vont pas souffrir de cette appréciation ou, dans le cas contraire, leur manque à gagner est insignifiant par rapport aux pertes qui devront être enregistrées par bien des entreprises de taille petite ou moyenne, surtout dans les activités liées au tourisme au sein de l’économie suisse.

Par ailleurs, il faut reconnaître que la majorité des entreprises suisses de toute sorte importent une bonne partie de leurs «intrants» (matières premières et produits semi-finis), qui leur coûtent moins cher lorsque le taux de change du franc suisse s’apprécie de manière considérable. Il faut donc relativiser le problème de l’industrie suisse d’exportation ainsi que de l’ensemble de l’économie helvétique par rapport au «franc fort» et à la nécessité de réduire la charge fiscale des entreprises en Suisse (dans le cadre de la troisième réforme de l’imposition des entreprises).

En revanche, il faut s’inquiéter des effets déstabilisants du prélèvement d’une commission sur une partie des avoirs déposés par les banques à la BNS. Celles-ci vont être induites à placer leurs avoirs ailleurs, c’est-à-dire sur les marchés financiers, et à augmenter encore leurs crédits hypothécaires afin de récupérer ainsi leurs manques à gagner sur les comptes de virement qu’elles ont auprès de la BNS. Le cas échéant, il faut craindre (et empêcher) que la fragilité financière des banques aille en augmentant au fur et à mesure que celles-ci profitent de la situation pour enfler une bulle financière et/ou une bulle immobilière en Suisse.

Si cela s’avère, la décision annoncée par la BNS le 15 janvier 2015 va être inscrite dans les livres d’histoire suisse, sous le chapitre consacré aux erreurs monumentales des autorités helvétiques. Il est facile alors de prédire que la poussière s’accumulera sur ces ouvrages tant que la mémoire collective ne tirera pas les leçons qui s’imposent des erreurs, commises par myopie ou négligence, des acteurs dont l’importance au plan national est d’ordre systémique.

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