Les non-dits de l'économie

Une date de péremption pour les dépôts bancaires?

Ce jeudi 22 janvier, la Banque nationale suisse (BNS) va mettre en vigueur sa décision, annoncée le 18 décembre 2014, de prélever un taux d’intérêt négatif sur les avoirs dépassant une certaine limite (fixée en l’état à au moins 10 millions de francs) que les banques et d’autres institutions financières non-bancaires ont dans leurs propres comptes de virement auprès d’elle. Cette décision a été prise afin d’enrayer la forte surévaluation du taux de change du franc suisse, notamment après que la BNS ait annoncé le 15 janvier 2015 avoir abandonné le seuil minimum de change (1,20 franc pour un euro) introduit le 6 septembre 2011. Or, visiblement, l’évolution du taux de change franc/euro depuis l’annonce de l’introduction d’un taux d’intérêt négatif par la BNS n’a pas permis au franc suisse de se déprécier face à la monnaie unique européenne. Bien au contraire, il est fort possible d’imaginer que, suite à l’annonce que la Banque centrale européenne fera le 22 janvier, le taux de change du franc suisse sera encore confronté à des pressions à la hausse qui rendront nécessaires des interventions de la BNS sur le marché des devises, induisant une nouvelle augmentation de ses réserves de change ainsi que de la masse monétaire en francs.

La BNS a déjà fait savoir qu’elle pourrait encore réduire ultérieurement le taux d’intérêt négatif ainsi que la limite minimale des avoirs à partir de laquelle les banques ainsi que d’autres institutions financières non-bancaires doivent payer une commission sur leurs propres comptes de virement. Il s’agit toutefois d’un instrument inefficace pour combattre les forces qui sont alimentées par plusieurs facteurs convergents (la crise de la zone euro, la chute du prix du pétrole, la forte dépréciation du rouble et le ralentissement économique des pays émergents).

En attendant que les autorités politiques de la Confédération suisse comprennent l’urgence ainsi que l’importance de prélever une «taxe Tobin» sur les achats de francs suisses, la série des idées saugrenues pourrait inclure, après le taux d’intérêt négatif, l’introduction d’une date de péremption pour les dépôts bancaires libellés en francs suisses (limitée aux non-résidents).

Le Zimbabwe avait adopté (sans succès) une idée semblable lorsque sa banque centrale a mis en circulation des billets avec une telle date de péremption. Un économiste influent de l’école néokeynésienne (la branche de la pensée dominante, de matrice néolibérale, qui se veut proche de Keynes, mais qui n’a rien de véritablement keynésien sauf dans son nom) a alors eu la brillante idée (qui recevra un jour le «prix Nobel» décerné par ses pairs à travers la Banque centrale suédoise) de proposer à la Réserve fédérale états-unienne de tirer au sort, une fois par année, un numéro de 0 à 9, de telle sorte que tous les billets de banque dont le dernier numéro de série est celui tiré au sort n’ont plus de pouvoir d’achat une année après ledit tirage.

Il est vrai que la politique monétaire est un art et pas une science, mais le flou artistique dont font état des «experts» de politique monétaire est préoccupant pour la stabilité financière de l’économie globale.

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