Les non-dits de l'économie

Les déboires de la zone euro

Les élections législatives anticipées qui ont eu lieu hier en Grèce suite à l’échec de l’élection présidentielle du mois passé ont révélé, une fois de plus, le cœur du problème qui empêche la zone euro de sortir de sa propre crise: l’Union monétaire européenne n’implique pas uniquement un transfert de souverainetés (monétaires et budgétaires) de ses pays membres vers le niveau communautaire (qui, en l’état, est amorphe et surtout géré par des décisions intergouvernementales fort discutables). L’adoption de la monnaie unique européenne a comporté également et de manière subreptice un transfert (en fait, une cession forcée) du droit démocratique à l’autodétermination des peuples.

L’évidence empirique la plus récente de cet état des choses est un bref article publié dans Spiegelonline en début d’année: Angela Merkel et le ministre des Finances allemand seraient désormais d’accord de laisser sortir la Grèce de la zone euro. L’explication politiquement correcte est censée rassurer les parties prenantes de l’Euroland dont les structures de sauvetage (à l’instar du Mécanisme européen de stabilité) semblent suffisantes pour éviter le scénario du pire en cas de «Grexit». Or, cette explication en cache une autre, pernicieuse, qui consiste à suggérer au peuple grec d’élire au parlement national une large majorité politique à même de persévérer avec la mise en œuvre des mesures d’austérité car si la gauche radicale obtient la légitimité démocratique pour arrêter la «consolidation budgétaire» en Grèce, le gouvernement allemand ne s’opposera plus au «Grexit» mais ne fera rien non plus pour aider la Grèce à sortir de la grande dépression qui la frappera dans un tel cas.

L’attitude des autorités allemandes n’est pas simplement déplorable au nom de la solidarité nécessaire pour rassembler les peuples de la zone euro. Elle est aussi négative pour les propres intérêts de l’Allemagne et en particulier de son économie, étant donné qu’une partie considérable des titres de la dette publique grecque figure, désormais, au bilan de la Banque centrale européenne dont l’Allemagne (faut-il le rappeler?) est le principal contributeur en termes de capital souscrit. Si la BCE devait essuyer des pertes importantes suite à la restructuration (ou au défaut de paiement) de la dette grecque, l’Allemagne ne pourrait dès lors pas éviter de passer à la caisse selon la clé de répartition du capital (donc aussi des pertes et des profits) de la BCE.

Les théoriciens des «choix publics» (une théorie inspirée par la pensée néolibérale) n’ont peut-être pas tort d’affirmer que les politiciens ont un horizon de court terme, correspondant à la durée de leur mandat, et ne s’intéressent pas à ce qui se passe au-delà de cela. Cette myopie doit toutefois être corrigée par des lunettes qui permettent aux politiciens et à leurs conseillers économiques d’avoir une vue systémique car, sinon, les déboires de la zone euro vont aussi faire table rase de cette classe politique et des économistes qui font semblant de croire mordicus à la fable de l’«austérité expansionniste».

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