Les non-dits de l'économie

Schizophrénies européennes

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a récemment montré que celle-ci donne suite à son fameux engagement prononcé à Londres le 26 juillet 2012, faisant «tout ce qu’il faut afin de préserver l’euro». Les décisions de politique monétaire annoncées le 4 septembre 2014 par la BCE ont été prises dans cet état d’esprit, même si leurs effets sont redoutables, en réalité, pour la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble.

Indépendamment des résultats macroéconomiques des interventions de la BCE, que l’on pourra juger seulement dans quelques années au vu des retards avec lesquels la politique monétaire agit sur le système économique, il faut se poser urgemment la question à savoir si, mise à part la BCE, les États membres de l’Euroland font tout ce qu’il faut afin de préserver l’euro. La réponse est immédiate et univoque, surtout en ce qui concerne les nations frappées par les mesures de consolidation budgétaire (entendez l’austérité prétendument expansionniste par les tenants de l’idéologie néolibérale).

En l’état, le «policy mix» européen est problématique, étant donné qu’il combine de manière explosive la liquidité surabondante pour la finance de marché avec les étincelles provoquées dans la société européenne par l’acharnement avec lequel les gouvernements nationaux – sous le joug des marchés financiers et des autorités européennes à l’instar de la nouvelle Commission qui entrera en fonction le mois prochain – vont mettre en œuvre mordicus les redoutables «réformes structurelles» sur le marché du travail.

Celles et ceux qui se réjouissent de la nomination de Pierre Moscovici comme commissaire chargé des affaires économiques et financières à Bruxelles devront bientôt se rendre à l’évidence: ni la France, ni l’Italie, ni les autres pays sous la menace d’une «procédure pour déficit public excessif» par la Commission européenne n’échapperont aux malheurs socio-économiques d’un renforcement des mesures d’austérité à court terme. La schizophrénie européenne sera alors évidente, tout comme l’inutilité (voire le caractère dangereux) d’une politique monétaire très accommodante (pour les acteurs financiers) face au durcissement de la politique budgétaire des États membres de l’Euroland en difficulté.

Au lieu du mantra des «réformes structurelles» sur le marché du travail (qui ne servent qu’à faire augmenter le taux de chômage et à aggraver les inégalités dans la répartition du revenu au sein de l’Euroland), il est nécessaire de réformer les structures décisionnelles et institutionnelles de la zone euro, afin de renforcer la démocratie plutôt que de continuer à la vider de son contenu pour faire les intérêts (de court terme) de ses élites financières.

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