Le mois passé, quarante-deux associations d’étudiants universitaires en «sciences économiques» – actives à travers une vingtaine de nations différentes – ont lancé un «Appel mondial» pour le pluralisme dans la recherche et l’enseignement de ces disciplines. Il ne s’agit pas du premier appel de ce type, depuis que la crise financière globale a éclaté suite à la mise en faillite aux États-Unis de la banque d’affaires Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Néanmoins, cet appel mérite l’attention de l’ensemble des parties prenantes pour deux raisons principales.
D’une part, cet appel provient des étudiants, censés être instruits par le corps enseignant dans les facultés d’économie ainsi que dans les soi-disant meilleures «business schools» du monde entier. Si les étudiants ont constaté, de manière systémique, que «[l]’économie mondiale n’est pas seule à être en crise; l’enseignement de l’économie l’est aussi […] par l’étroitesse croissante des cursus», il est urgent d’intervenir afin de mettre fin à «[c]e manque de diversité intellectuelle [qui] ne limite pas seulement l’enseignement et la recherche, [mais aussi] notre capacité à penser les enjeux nombreux et divers du 21e siècle – de l’instabilité financière à la sécurité alimentaire en passant par le réchauffement climatique».
D’autre part, cet appel estudiantin met clairement en lumière le fait que les «sciences économiques» dominant actuellement ont un caractère à la fois autiste et autoréférentiel, étant donné qu’elles ont rayé «le débat et le pluralisme des théories et des méthodes» pour ne proposer qu’un «corpus de savoirs unifiés», présentant «une seule façon de pratiquer l’économie et donc d’analyser le monde». Les signataires de cet appel font notamment remarquer à cet égard que cela «serait inconcevable dans d’autres disciplines: personne ne prendrait au sérieux un cursus de psychologie qui n’enseignerait que la tradition freudienne ou un cursus de science politique se focalisant uniquement sur le socialisme».
Les étudiants signataires de cet appel mondial vont jusqu’à proposer des mesures favorisant «la mise en œuvre concrète du pluralisme» au sein des facultés d’économie. La première mesure qu’ils suggèrent, et vraisemblablement aussi la plus fondamentale, consiste en «[l]’octroi de postes aux enseignants et chercheurs susceptibles d’apporter une diversité théorique et méthodologique dans les cursus». Cela est une condition sine qua non pour «dynamiser la discipline, la recherche et l’enseignement» et faire en sorte que l’analyse économique soit «utile à la société».
La conclusion des étudiants est incontestable et doit faire réfléchir tout un chacun: «Le pluralisme en économie est une condition nécessaire à un débat public honnête et ouvert. Le pluralisme en économie est une condition de la démocratie.» Les personnes de bonne volonté ont donc le devoir moral d’empêcher que l’économie ébranle la démocratie et ne serve qu’aux «pouvoirs forts» de la «haute finance».