Les non-dits de l'économie

La nouvelle normalité

Le spectre du chômage continue d’épouvanter les ménages en Europe et ne se limite plus aux chômeurs avérés dans les pays qui souffrent le plus à cause de la crise de la zone euro. Selon tous les sondages, même les travailleurs peu ou moyennement qualifiés, surtout les «seniors» et les personnes avec un contrat de travail soit à durée déterminée soit à temps partiel malgré elles, ont des soucis liés au chômage, parce que cela pourrait les toucher directement dans un horizon temporel proche.

La reprise de l’activité économique, en effet, est trop faible pour induire une augmentation considérable des places de travail, qu’un nombre de plus en plus élevé d’entreprises essaient de remplacer par des équipements censés faire augmenter la productivité, tout en réduisant les coûts de production.

Le continent européen semble dès lors dans une «nouvelle normalité»: un taux de chômage très élevé, notamment pour les jeunes, et un taux de croissance économique très faible, qui n’induit pas de résorption du chômage ambiant.

Les nations, comme la Suisse, dépourvues d’un Ministre du travail sont particulièrement exposées aux effets négatifs sur l’emploi des mesures d’austérité ou de «consolidation fiscale», qui sont désormais devenues structurelles comme les problèmes que l’on prétend résoudre par le même paradigme (néolibéral) qui en est à l’origine fondamentalement.

La flexibilisation et la dérèglementation du «marché» du travail, en fait, ne permettent pas d’augmenter le niveau d’emploi lors d’une récession économique provoquée par une demande visiblement insuffisante sur le marché des biens et services (qui, elle-même, est tributaire d’une augmentation des inégalités dans la répartition du revenu et de la richesse au sein des pays et entre ceux-ci).

Dans un tel contexte, en réalité, le niveau d’emploi dépend davantage du volume et de la valeur des produits écoulés sur le marché des biens et services que de la flexibilité des travailleurs et des personnes dont le chômage est involontaire. La précarisation des contrats de travail ainsi que le remplacement des travailleurs «seniors» par des collaborateurs moins rémunérés diminuent la propension à consommer de l’ensemble des ménages, au détriment du chiffre d’affaires des entreprises et de la situation financière du secteur public (car cela va engendrer moins de recettes fiscales et davantage de dépenses pour la protection sociale).

Voilà un autre paradoxe de l’analyse économique qu’il serait temps de comprendre et d’intégrer aussi bien dans l’enseignement des sciences économiques que dans la politique économique des nations soi-disant «avancées» en ce qui concerne le bien-être de leur population.

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