Les non-dits de l'économie

Banques centrales et politique monétaire

La Banque du Japon a adopté, nolens volens, un objectif d’inflation à 2 pour cent suite aux pressions exercées par le premier ministre, Shinzō Abe, depuis son élection le 26 décembre 2012. Le gouvernement veut amener ainsi la banque centrale à intervenir davantage pour arrêter la déflation qui sévit au sein de l’économie japonaise depuis une vingtaine d’années.

Bien des économistes se sont insurgés contre l’adoption de cet objectif sur la base de deux arguments fallacieux. D’une part, ils affirment que relever l’objectif d’inflation de 1 à 2 pour cent est un facteur d’instabilité monétaire car il empêche la stabilité des prix. D’autre part, ils estiment que la banque centrale doit être indépendante des autorités politiques, qui n’ont donc pas à s’immiscer dans les choix de politique monétaire.

Ces deux arguments sont faux pour différentes raisons.

En ce qui concerne la stratégie de ciblage d’inflation, il existe un vaste consensus à la fois au sein de la communauté des économistes et au niveau des banques centrales, prônant un objectif d’inflation proche de (ou égal à) 2 pour cent sur base annuelle. Un tel objectif permet d’avoir une certaine marge de manœuvre pour diminuer les taux d’intérêt lors d’un choc économique ou d’une crise financière, afin de soutenir, dans la mesure du possible, le secteur bancaire et l’activité économique. Le calcul du taux d’inflation à l’aide des indices de prix à la consommation ayant tendance à surestimer la hausse du niveau général des prix, il convient de ne pas viser un taux d’inflation égal à 1 pour cent car cette cible, en fait, risque d’amener l’économie nationale dans une situation de déflation. La Banque du Japon devrait être très sensible à ce genre d’arguments, au lieu de s’exclamer contre le relèvement de son objectif d’inflation à 2 pour cent.

À l’égard de l’indépendance des banques centrales, considérée par les tenants de l’orthodoxie comme la «ligne Maginot» protégeant celles-ci des intromissions de l’État, limitons-nous à faire remarquer qu’il est non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire, que les autorités monétaires d’un pays coopèrent avec le gouvernement national, afin de contribuer tous ensemble à assurer la prospérité économique et la cohésion sociale dans leur juridiction. Indépendance et coopération ne sont d’ailleurs pas mutuellement exclusives.

Comme la crise globale éclatée à l’automne 2008 l’a montré clairement et de manière dramatique, la banque centrale ne peut pas se contenter d’assurer la stabilité des prix à la consommation. Les choix de politique monétaire doivent considérer également la stabilité financière ainsi que la maximisation du niveau d’emploi, afin de servir les intérêts généraux de l’ensemble de la population et pas simplement les intérêts privés de quelques catégories minoritaires (mais très bien loties) de celle-ci.

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