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Les jeunes de 15 à 25 ans sont-ils la « génération Covid », sacrifiée dans cette crise ?

Incontestablement, la pandémie du Coronavirus Covid-19 a généré une crise très dure pour des pans entiers de notre société et montré au grand jour certaines de ses fragilités, notamment nos modes de vie et de consommation.

Porter attention aux 15-25 ans

A l’unanimité initiale autour du bien-fondé des mesures pour faire face à cette crise, au printemps 2020, suit maintenant un malaise croissant au vu de sa durée. L’arbitrage entre les intérêts spécifiques des différentes composantes de notre société et par rapport aux impératifs sanitaires, dont la prise en compte reste vitale, est de plus en plus difficile. Le risque de voir s’étioler la nécessaire solidarité entre nous toutes et tous croît avec le temps. L’objectif premier devrait rester incontestable : diminuer massivement la présence de ce virus dans la population, et a fortiori ses conséquences médicales et sanitaires, à court et long terme. Mais il convient aussi de renforcer l’attention accordée aux victimes de cette crise, socialement, économiquement, culturellement, et psychologiquement. On se préoccupe à juste titre (pas encore assez) des petits commerces, des PME, des indépendants, des seniors, du personnel soignant, etc. Mais une catégorie a été longtemps la grande sacrifiée de cette crise : les jeunes de 15 à 25 ans. Heureusement, pour la première fois ( !) depuis le début de la crise, le Conseil fédéral s’est exprimé publiquement à ce sujet le 17 février 2021 et a confirmé un assouplissement réel des règles du jeu dès le 24 février pour les 16-20 ans, ce qui est réconfortant.

Appel solennel face à des dégâts irréparables

La Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse (CFEK-EKKJ) avait adressé un appel solennel aux autorités en date du 15 février, afin de les sensibiliser à l’urgence de prendre au sérieux la situation des jeunes et d’adopter des mesures concrètes, et se réjouit qu’elle ait été entendue. Par ailleurs, la Conférence des directeurs et directrices des affaires sociales dans les Cantons (CDAS/SODK) avait insisté par courrier daté du 12 février 2001 auprès de ses membres des cantons sur la nécessité de renforcer les efforts dans le travail de prévention et de soutien auprès des jeunes, et de considérer à juste titre les activités dites de « loisirs » comme des activités à vocation sociale et pas uniquement récréative.

Pourquoi est-ce si essentiel d’agir dans ce domaine ? Les dégâts causés par cette crise sont immenses, et potentiellement irréparables sur le long terme pour nos jeunes, même si leur capacité de résilience est considérable !

Selon les données récoltées par l’Université de Bâle et publiées le 17 décembre 2020, le nombre de cas dépressifs graves ( !) atteint 29% dans cette tranche d’âge (contre environ 6.5% avant la pandémie), le record de toutes les catégories d’âge et l’augmentation la plus forte ! Et les professionnel.le.s qui s’occupent à un titre ou un autre des enfants et des jeunes, le confirment : le nombre de consultations psychologiques de la part des adolescent.e.s et de jeunes adultes explose. Ainsi, les consultations pédopsychiatriques ont augmenté de 40% ces dernières semaines dans les hôpitaux universitaires de Berne, Bâle et Zurich, et Pro Juventute vient de publier un rapport très alarmant sur l’explosion du nombre de consultations auprès de l’interface 143.ch !

Il paraît que les jeunes, en désespoir de pouvoir se rencontrer sans se faire tout de suite alpaguer, passent des heures à circuler dans des trains régionaux des agglomérations de notre pays, car c’est un endroit chauffé et on peut y bavarder, sous réserve de payer son billet (ils et elles ont souvent l’abonnement) et de porter le masque… Et pire encore, ils essaient de passer leur temps à se cacher dans des parkings souterrains, se faisant assez vite chasser grâce aux caméras de surveillance, et créant des nuisances et donc des tensions. Quant au fossé intergénérationnel, il ne cesse de croître et de causer des blessures difficiles à cicatriser.

Accusations et perte de perspectives

Même si beaucoup de jeunes ont des ressources personnelles importantes et surmonteront cette crise, force est de reconnaître que le monde qu’on leur propose est bien sombre :

A quoi sert-il de rabâcher que les jeunes sont l’avenir de notre pays si on ne les prend pas au sérieux !

Le Conseil fédéral va dans le bon sens… mais il faut aller plus loin à court et moyen terme

A court terme, les assouplissements décidés par le Conseil fédéral le 24 février (rétablissement assez large des activités « parascolaires » pour les jeunes entre 16 et 20 ans) vont dans le bon sens mais ne suffiront pas encore. Un des plus grands risques de cette période qui semble s’ouvrir devant nous, caractérisée par un assouplissement partiel et lent des différentes restrictions, réside dans une augmentation de la pression pour une vie sociale des jeunes, et donc des regroupements plus ou moins licites, pouvant engendrer des tensions diverses (surtout avec le retour de températures plus clémentes). Si la campagne de vaccination continue à prendre du retard, et que les jeunes sont vaccinés en dernier, tout en introduisant un « passeport vaccinal » ou toute autre mesure favorisant les personnes vaccinées, nous laissons s’installer une bombe à retardement pour cet été et pour la rentrée d’automne !

Il convient donc d’agir à court et à moyen terme :

En ce qui concerne la campagne de vaccination, je me permets d’affirmer que les jeunes devraient être vacciné.e.s dès que possible. En tout cas pas en dernier ! Et les autorités fédérales, cantonales et municipales devront se concerter pour aborder la période estivale afin de proposer aux jeunes, en les associant pleinement, un éventail suffisant d’activités compatibles avec les règles sanitaires mais leur permettant de rétablir une activité sociale digne de ce nom.

Toutes les composantes de notre société qui subissent de plein fouet l’impact de cette pandémie méritent notre pleine attention et notre soutien ; les jeunes autant que les autres !

Plus largement, il faut impérativement donner plus d’espace aux jeunes dans notre vie collective, et pas juste leur offrir des occasions alibi ; ils doivent pouvoir prendre une part active au débat sur les défis de notre pays, maintenant et demain !

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