L'oeil du Paon

De l’importance du lien (pas celui qu’on clique…)

Près d’un an déjà, triste anniversaire, que notre vie quotidienne a été mise sens dessus-dessous par les mesures sanitaires et autres contraintes ou limitations. Nous avons tous été amenés à prendre le virage numérique bien plus rapidement qu’attendu, et nous sommes familiarisés, tant bien que mal, avec un mode de vie plus « virtuel »…

Une des caractéristiques de l’Internet est la multiplicité des liens et des mises en relation qu’il permet, sur toutes sortes de sujets ; reconnaissons-le, il s’agit d’une fantastique avancée, d’un formidable accès à une bibliothèque de savoirs (malheureusement parfois publiés par des « croient-savoir », mais c’est un autre thème…)

Pourtant, au-delà de nos compétences récemment acquises à se « zoom-er », se « LinkedIn-er » ou de se « Teams-er », rappelons-nous que l’humain est un animal tactile. Le toucher, est l’un des sens extéroceptifs de l’animal (dont l’humain), essentiel pour la survie et le développement des êtres vivants, l’exploration, la reconnaissance, la découverte de l’environnement, …

 

 

Le toucher, chez le fœtus humain, est même le premier des cinq sens à se développer. Et un bébé humain ne peut se développer correctement si ses besoins du toucher et de l’affection ne sont pas remplis. Ce sont ses premiers liens.

J’observe ces derniers temps, chez mes clients et mon entourage, un phénomène qui s’installe, une sorte de lassitude, un mélange de fatigue et découragement. Un peu comme un fleuve de lave qui se déverserait petit-à-petit et envahirait les esprits, lentement mais sûrement.

« Loin des yeux, loin du cœur », disait l’adage, et on constate que les liens s’estompent, avec le temps, imperceptiblement, même ceux d’avec nos familles, nos amis proches, les personnes avec qui on a partagé tant d’expériences, d’apprentissage ou encore nos collègues. Il semblerait que cette tendance au « virtuel-only », nous pousse au repli sur soi, à l’oubli, ou à une sorte de laisser-aller affectif et relationnel.

Je comprends et vis moi-même la difficulté de soigner nos liens en ce moment ; il ne nous est pas naturel de ne plus se rencontrer physiquement, de ne plus prendre les autres dans nos bras, de ne plus embrasser et « sentir » les gens avec cette qualité que seul le présentiel permet.

Les vidéoconférences nous deviennent pénibles, à mesure que les sujets de conversation ou les cercles de gens à qui nous parlons régulièrement ne se renouvellent que peu. C’est comme un sentiment de manquer d’un nouvel oxygène, d’étouffement.

La tentation est grande alors de se replier sur soi, de la même manière que lorsqu’une relation est devenue trop douloureuse et qu’il est plus facile de couper les ponts ou s’éloigner pour ne plus ressentir le déchirement, la tristesse.

Ma conviction est pourtant qu’il est important, malgré ce manque de stimulation, de dépasser ces états, de se donner soi-même des « coups d’énergie », comme quand nous nous forçons un peu pour aller nous promener, ou au cinéma (ça reviendra !) ou au sport, tout ceci au lieu de rester confortablement sur notre canapé.

« A quoi bon ? » me direz-vous… Pourtant, c’est précisément en ces temps de manques qu’il devient vital de réinventer notre lien à l’autre, de le tisser encore plus intensément et de continuer à rencontrer les autres.

User de stratagèmes et de créativité peut aider. Raccourcissez vos séances Zooms, mais faites-les quand-même. Etablissez des règles de légèreté, comme par exemple l’interdiction de nommer le Covid pendant les échanges. Adaptez des jeux de société pour qu’ils soient jouables même par visioconférence.

Retournez aux sources, en recommençant à écrire aux gens que vous aimez. Dites-leur combien vous les aimez, combien vous vous réjouissez du moment ou la rencontre sera de nouveau possible physiquement. Surprenez-les avec des livres ou d’autres petites attentions envoyées par la bonne vieille poste.

Et puis, il y a un lien que même en temps « normal », on a tendance à négliger. C’est celui d’avec soi-même, son dialogue intérieur, ses questionnements, ses réflexions, ses vieux traumatismes ou encore ses plus beaux souvenirs. Ce mode de vie actuel, un peu moins surstimulé, peut aussi être une belle opportunité de se reconnecter… à soi-même.

Cette période exige toutes sortes d’efforts et teste également notre capacité à rester en lien avec les autres, mais n’est-ce justement pas un des éléments essentiels de nos vies ? Alors je vous invite à garder la flamme et vos liens de cœur bien chaud. Cela fait du bien durant cet hiver particulièrement rigoureux…

 

Sabrina Pavone

 

Illustration : Freeda Michaux

Quitter la version mobile