Le fin mot de l'Histoire

Turquie, 16 avril 2017: le retour (officiel) du refoulé

Les peuples et les cultures ont-ils une psyché collective, l’inconscient a-t-il une nationalité?

Une majorité de citoyens turcs et leur choix en faveur de l’homme fort d’Ankara semblent indiquer une réponse positive à cette question. 94 ans après qu’un autre homme fort -“père de la nation turque”- Atatürk, a forcé l’émergence de la République de Turquie en niant son passé, son histoire et des éléments centraux de sa culture, nous voilà témoins d’un retour de tout ce qui a été enfoui dans les ténèbres de la mémoire du peuple turc.

Quel est le rôle du président Erdogan dans tout cela? Est-il vraiment l’artisan de cette situation, ou simplement un opportuniste futé qui, après vingt ans de sap de la jeune démocratie turque, a su naviguer les eaux troubles et revanchardes de ce qui n’a pas pu être passé sous silence au nom de la modernité occidentale: la religiosité d’une grande partie de la population, des valeurs archaïques binaires de bien et de mal, la question femme et un penchant pour l’autoritarisme dans la culture politique du pays. Tous ces éléments et bien d’autres ont résurgi comme de la lave, dès que la chappe de plomb du discours de modernisation tenu et renforcé par les chantres d’une globalisation homogénisante  – en Turquie et ailleurs – a commencé à craquer (avec des résultatis similaires un peu partout dans le monde).

Il y aura la tentation de chercher et trouver un ou plusieurs responsables de cette situation: Erdogan, les citoyens qui ont voté pour lui, l’UE avec sa politique duplicitaire envers la Turquie, les USA avec leurs faiblesses…

Dans les faits, à commencer par Atatürk et passant par tous les dirigeants civils et militaires turcs depuis 1923, chacun a ignoré le besoin réel du peuple turc de se confronter à la part d’ombre et de défi de sa culture et son histoire. Une approche procédurière, administrative et trop centrée sur l’économie, a fait que les intentions à cet effet de l’UE ont échoué aussi. Pourquoi, donc, s’étonner aujourd’hui que l’impulsion à adopter sans complexe et de manière triomphante les archaïsmes avec ce qu’ils ont de reconfortant, soit majoritaire?  S’il y a une leçon à tirer de ce qui se passe aujourd’hui en Turquie est que le refoulé culturel, identitaire, historique sera toujours plus fort que des “solutions” bureaucratiques et économiques, dans n’importe quel contexte.

D’où le besoin de l’élaborer, de le travailler, de l’affronter à la lumière du jour pour pouvoir réellement avancer (comme individu et en tant que communauté); d’où le besoin d’écrivains, d’artistes, de journalistes, de poètes, de dissidents…d’où le fait qu’en Turquie, ils risquent la prison depuis les débuts de la République, et bientôt, peut-être de nouveau, la peine capitale pour leur parole.

 

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