Le fin mot de l'Histoire

Donald Trump, Nigel Farage & co – symptômes d’une société au bord de la crise de nerfs

Ceux qui soutiennent Donald Trump, Nigel Farage, Victor Orban et les autres joyeux compagnons de route des extrémismes, n’ont pas perdu leur boussole, ni leur sens moral et éthique. Ils ne sont pas bêtes, non plus. Beaucoup parmi eux réalisent même, les limites et les failles de leurs candidats et de leurs propositions. Somme toute, ils sont assez lucides à propos de ce qui se joue aux niveaux nationaux et global.

Néanmoins, ce public est irrémédiablement attiré et retenu par la simplicité qui caractérise la lecture du monde faite par ces individus, qui ont trouvé la clef du succès : jouer sur le désir de simple ressenti par des citoyens de plus en plus exaspérés.

Car ce de quoi une bonne partie des gens en ont marre c’est de s’entendre dire que le monde est complexe ; qu’il n’y a pas de solution facile aux problèmes qui se présentent ; que la démocratie a besoin de sacrifices et qu’elle n’est pas parfaite ; que des élections ne font pas une démocratie ; que ce n’est pas suffisant de recycler pour contenir le changement climatique, ou bien encore, que la bonne éducation qu’ils ont ramé pour donner à leurs enfants ne garantit pas à ces derniers une vie meilleure que celle de leur parents.

Ce ne sont pas des simples d’esprit et pas nécessairement des plus pauvres. Plutôt, ils réclament une simplicité mythique et soi disant « perdue » du monde qui les entoure, car ce qui se trouve devant, les noie dans des labyrinthes de mensonges et des justifications douteuses émises par ceux qui semblent vouloir garder en place un système défaillant.

Depuis bientôt 30 ans, dans le monde que nous appelons « occidental » ou « développé » on a opéré des transformations structurelles dans les systèmes d’éducation qui ont des conséquences désastreuses bien au-delà de l’hémisphère nord : beaucoup de gens ne sont plus équipés intellectuellement pour affronter la fragmentation et la complexité de la vie quotidienne. Au fur et à mesure qu’il y a plus de formulaires à remplir pour être pris en compte, plus de conditions et certificats à obtenir pour avoir du travail, et plus d’idées « innovatrices » à avoir pour se démarquer du lot, l’éducation dispensée est de plus en plus fragmentée, standardisée et spécialisée, de manière à miner la responsabilité personnelle et créer des « moutons bien pensants ». Ceci laisse beaucoup de gens face à un sentiment d’irrémédiable inadéquation et d’impuissance, car c’est de plus en plus difficile de trouver des ressources de créativité pour faire avec, ou contre, ce que le système propose.

En combinaison avec des capacités mentales de concentration aussi basses que 8 secondes, pourquoi s’étonner qu’on réagit mieux à « Make America great again » et « Let’s take our country back ! » qu’à des longues phrases pleines de nuances, expliquant le gris infini d’un monde globalisé en prise avec une transition vers l’inconnu. N’est – ce pas plus simple de se recroqueviller métaphoriquement en position fœtale et rejeter avec entêtement tout ce qui contredit un désir de confort et d’un élusif « retour aux sources », aussi faux et mensonger fut-il ?

Le type de pensée qui domine en maître incontesté le monde depuis bientôt 20 ans – prônant le découpage de la réalité pour mieux la maîtriser, la prévalence des catégories séparées, le primat de l’individualisme et du relativisme sur le bien commun et l’engagement – n’est pas adapté à une réalité qui est, en fait, mouvante et fluide, requérant une flexibilité infinie et surtout, surtout, de la responsabilité de l’individu envers soi et la société.

 

 

Quitter la version mobile