La Suisse et le monde

Vote du 13 février: pas de démocratie sans information de qualité

Les chiffres sont clairs : concernant la presse écrite, en 20 ans, la contribution de la publicité s’est pratiquement réduite de moitié. Conséquence : une longue série de restructurations, de fermetures et de concentrations, avec la disparition de 70 titres souvent fortement représentatifs d’une région ou d’un courant d’opinion. Mais pas assez rentables. Les métiers de la presse sont désormais marqués par une grande insécurité et instabilité.

Les forces politiques qui combattent le soutien à la presse sont prêtes à la livrer à une logique purement commerciale, peu importe leur contenu. Ou, plus précisément, plus ce dernier est fait de sensations, de superficiel et d’émotionnel, mieux l’on escompte attirer le chaland. Ce nivellement par le bas privilégie les raccourcis, les slogans, les affrontements et fragilise la société dans son ensemble.

Or, lorsque dominent des médias faisant du chiffre à travers la confrontation et l’exacerbation, la démocratie est menacée dans son essence même. Car elle fonctionne par la recherche des équilibres et des convergences, la concertation, la compréhension des enjeux, l’harmonisation des intérêts, leur inscription dans un dessein commun.

Les Fake News, dissolvants du corps social

Notre époque est de plus en plus polluée par des Fake News circulant en boucle, par l’obsession de démasquer à tort et à travers et d’entretenir une méfiance abusive.

L’indépendance, la qualité, la diversité de la presse sont un bien public d’autant plus précieux que les médias dits sociaux se révèlent de plus en plus anti-sociaux, bien plus prompts à diviser qu’à rassembler.

Ce qui se passe dans les pays anglo-saxons est de mauvais augure. Ce sont aujourd’hui des pays radicalisés, divisés en deux blocs qui ne font que se détester. En Grande-Bretagne entre pro et antieuropéens, aux Etats-Unis entre républicains et démocrates. La notion du vivre ensemble n’est pas du tout comprise de la même manière ; pour les deux camps, le seul point commun est l’anathème mutuel.

Lorsqu’on ne fait plus la différence entre un fait prouvé et une opinion purement subjective, entre une information et un commentaire, il n’a plus moyen de dialoguer, il n’y a plus de bases communes à partir desquelles débattre, on n’est plus citoyennes et citoyens du même pays, du même monde.

Souhaitez-vous, souhaitons-nous que dans nos médias les commentaires, la sélection des messages, les titrages soient orientés selon les souhaits de propriétaires de journaux peu scrupuleux, voire d’investisseurs désireux d’influencer l’opinion ?

Ou préférons-nous une presse attachée à une éthique professionnelle éprouvée et qui soit capable d’enquêter là où ça fait mal, de donner leur juste place aux divers points de vue, de séparer clairement faits, hypothèses et opinions ?

A l’exemple du statut de la RTS

Le statut de service public de la RTS a ici parfaitement fait ses preuves comme pilier de la démocratie. Voici 4 ans presque jour pour jour, le peuple suisse a confirmé ce statut en rejetant une initiative ouvrant la voie aux influences d’investisseurs privés, c’était le 4 mars 2018 et avec un score sans appel : 71,4% de non.

Le vote du 13 février est la suite logique de cette sage décision et le statut de la RTS souligne qu’il n’y a aucune crainte à avoir d’augmenter les dispositifs de soutien à la presse écrite et à ses versions en ligne. La RTS ni ses journalistes n’ont jamais fait l’objet d’ordres de marche des autorités politiques, ou d’instructions sur les sujets à traiter ou à éviter.

Au contraire, l’aide publique à la presse est indispensable pour éviter que les médias écrits ne tombent sous la dépendance d’intérêts privés et d’investisseurs pas toujours bien intentionnés, et permet à la presse d’assurer le service d’intérêt public que le marché ne permet pas de suffisamment financer. L’éthique des médias, leur pluralisme, leur fiabilité est un élément clé de toute démocratie.

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