La Suisse et le monde

Climat et durabilité: arrêtons d’excuser le consommateur!

Il est de bon ton d’exonérer la consommatrice, le consommateur de leurs responsabilités, de la/le présenter comme une faible victime d’un système, une personne qui passerait son temps à se faire manipuler.

Loin de moi de nier les effets pervers d’un marketing bien étudié. Mais on ne me fera pas croire que le désir de puissance exalté par certaines publicités automobiles, le goût des week-ends dans les capitales européennes, l’appel à acheter les derniers gadgets informatiques ne tombent pas sur des dispositions favorables chez de nombreux êtres humains, qui adhèrent assez bien aux valeurs factices et peu responsables de la société de la frime et du prêt-à-jeter. Que dans le monde la moitié des immatriculations de nouveaux véhicules soient des SUV émettant 30% de CO2 de plus ne peut pas s’expliquer autrement, il n’y a aucun besoin objectif à posséder et à utiliser de tels véhicules.

On ne me fera pas croire non plus que la majorité des consommateurs ne savent pas que de nombreux objets qu’ils achètent à bas prix ont été produits dans de mauvaises conditions écologiques et sociales, et vont être tout aussi mal gérés en fin de vie. Oui, le bon marché est souvent bien cher payé (par d’autres et les générations futures).

Produits durables : percer le plafond de verre

A l’autre bout de l’éventail, on trouve aujourd’hui dans pratiquement tous les domaines de la vie quotidienne des offres de qualité durable : des véhicules à basse consommation, de la finance durable, des bâtiments au bilan énergétique positif, des denrées du bio et du commerce équitable, pour n’en citer que quelques-uns…

Malheureusement, ces offres peinent actuellement à dépasser un plafond de verre de quelque 10-20% des consommateurs. Certes la qualité écologique et sociale a un prix. Certes la montée des inégalités et des précarités n’est pas propice à faire les bons choix.

Mais des remèdes existent. Les pays industrialisés dépensent des milliards, plus ou moins bien ciblés, en soutiens à la production agricole. Pourquoi n’y aurait-il pas des subventions aux consommateurs garantissant que chaque personne ait “accès toute l’année à une alimentation saine, nutritive et suffisante”, droit proclamé par les Nations Unies (Agenda 2030, cible 2.1.) ? Déjà en termes de coûts de la santé, on s’y retrouverait.

Et il n’est pas acceptable qu’un gestionnaire de caisses de pension affirme dans l’Agefi du 29 septembre que “La mission d’une caisse de pension est de distribuer des rentes, pas de sauver le monde. On ne peut pas jouer avec l’argent des assurés”. Car c’est doublement aberrant. D’une part, les rendements des investissements dans des solutions durables sont désormais pareils à la moyenne de tous les investissements. D’autre part, ce faisant, non seulement on ne joue pas avec l’argent des ayants-droit, mais contribue à leur assurer un avenir digne d’être vécu… La durabilité n’a pas besoin de davantage d’argent, mais que cet argent soit retiré aux activités non durables et affecté à celles qui le sont.

Le consommateur, force politique

Non, le système ne changera pas tout seul. Là où il y a un consommateur, il y aura aussi un producteur, alors que le contraire n’est pas vrai. Il n’y a pas de raison que le consommateur se sente impuissant lorsqu’il fait ses courses alors que, lorsqu’il va voter, il pense tout naturellement que sa voix comptera.

Oui en tant que citoyen, le consommateur peut et doit s’impliquer pour réclamer de meilleures conditions cadre pour les produits durables, exiger que les objets soient réparables et conçus pour être réutilisés, demander que le principe de précaution empêche la mise sur le marché de produits susceptibles de nuire à la santé humaine ou à celle de l’environnement (ce qui va souvent de pair).

Mais en attendant que se trouvent des majorités politiques pour faire des bonnes pratiques éprouvées la loi pour tous, c’est tous les jours que consommatrices et consommateurs peuvent par leurs décisions d’achat (ou de non-achat) faire la différence et changer l’offre économique, et les habitudes de production et de consommation. Par exemple en cessant d’acheter des produits issus de la destruction de la forêt tropicale ou de la sous-enchère sociale. Ou en réclamant massivement du bio, de l’équitable et du durable.

Car quand les consommateurs comprennent qu’ils sont une force politique, leur action regroupée devient redoutable, comme l’avait démontré Gandhi par sa légendaire marche du sel, et d’autres par des opérations de promotion ou de boycott. Alors cessons d’excuser ce pauvre consommateur, cette pauvre consommatrice qui n’aurait pas le choix, qui n’oserait rien demander ni rien faire..

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