La Suisse et le monde

Votations sur les multinationales responsables : que se passe-t-il entre villes et campagnes ?

Pendant longtemps un des commentaires classiques post-votation était le constat d’un clivage entre régions linguistiques. Mais un autre clivage est en train de prendre le dessus : le clivage villes-campagnes. Des prémices en étaient les oppositions plaine-montagne apparues lors des votations sur les résidences secondaires ou sur la chasse.

Ce clivage a pris ce dimanche un tour impressionnant : pratiquement toutes les villes, soit toutes les communes de plus de 10’000 habitants, quel que soit le vote du canton, ont voté oui, et souvent à des scores massifs. En Suisse romande, mais aussi ailleurs : Liestal, Olten, Baden, Bâle, Berne, Zurich, Saint-Gall, Coire… La liste est longue. Et plus une commune est éloignée d’un centre urbain, même de moyenne importance, plus elle a eu tendance à voter non, même en Suisse romande. La Broye l’illustre bien, ou le vote de La Brévine.

Que se passe-t-il dans nos campagnes ? Ce n’est pourtant pas là que les multinationales ont leurs sièges… La comparaison avec les élections présidentielles américaines saute aux yeux, comme la carte (sources : US-Today et RTS) le montre. Aux USA comme chez nous, plus une région est rurale, plus elle vote « conservateur ». Comment faire dialoguer ces deux mondes qui s’écartent l’un de l’autre à grande vitesse ? Comment éviter un clivage qui ne peut être que frustrant pour les deux parties ? Sachant aussi que « conservateur » peut signifier en l’occurrence « destructeur de valeurs environnementales et sociales ».

Deux cultures à réconcilier
La vie est-elle plus dure à la campagne ? Pourtant pas mal de citadins en rêvent… Une explication est probablement un ras-le-bol des régions rurales des règlements, d’une façon vécue comme bureaucratique de devoir rendre compte de ce qu’on fait, et dont on croit mieux savoir que les prescripteurs – nécessairement urbains – comment il faut le faire.

C’est la lassitude des paysans devant la bureaucratie agricole, corollaire pourtant logique d’un subventionnement qui assure plus de la moitié de leurs revenus. C’est la lassitude des PME devant le temps passé à remplir des formulaires pour tout et rien, PME qui déterminent bien plus la perception qu’on a de l’économie dans l’espace rural qu’en ville. Le pragmatisme l’y emporte sur le formalisme, le « bon sens » sur les »cadres logiques » et les procédures.

Et peut-être, en l’occurrence sur un texte destiné à moraliser des circuits économiques qui en ont bien besoin, le sentiment des PME était qu’elles étaient en règle. Mais par contre, sans guère de moyens de vérifier la manière dont chaque clou qu’elles plantent a été produit à l’autre bout du monde. Alors que cela n’était pas du tout ce qui leur était demandé !

En un mot comme en cent : il y a un fort besoin de dialoguer entre ville et campagne. Et pas seulement pour renforcer le lien entre producteurs et consommateurs de denrées agricoles – pour définir ensemble les grands enjeux de préoccupation et éviter la fracture du pays en deux types peu conciliables de perception et d’expression de la chose publique.

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