La Suisse et le monde

Pesticides : coup vache du lobby paysan

Les méfaits de l’abus de pesticides ne sont que trop connus. Même en Suisse, réputée pour sa politique environnementale, des résidus se retrouvent dans l’eau, diverses études scientifiques le démontrent. Ainsi une récente publication officielle «Micropolluants organiques dans les eaux de surface du canton de Genève» souligne que «les concentrations maximales de produits phytosanitaires mesurées dans les cours d’eau du canton de Genève durant la période 2011-2016 dépassent largement les limites légales» (p. 25).

Alors que la méfiance du public est grande, si forte qu’il n’est, semble-t-il, pas rare que des agriculteurs traitant – en bio ou non – leurs cultures se fassent agresser verbalement, le refus de tout contreprojet aux initiatives populaires antipesticides, ce 20 juin au Conseil national, par 116 voix contre 73, n’a guère suscité de réactions. Ce sont pourtant des coups fourrés de ce type qui, partout au monde, font que les meilleurs programmes environnementaux se vident de leur substance et les bonnes paroles de leur sens.

Traitements: on peut faire autrement !
Si les modes de culture biologique fournissent la preuve depuis plus d’un siècle qu’on peut parfaitement produire des denrées alimentaires en se passant de substances chimiques de synthèse (il ne s’agit pas de zéro traitement, mais d’autres produits, d’autres approches !), il est tout à fait possible en mode “conventionnel” de culture de traiter moins, de promouvoir la lutte biologique et les espèces résistantes, de limiter la palette des produits que l’on estime devoir utiliser.

C’est cette voie que dessine le «Plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires», publié en septembre 2017 par le Conseil fédéral. Son but est de réduire d’ici 2027 de moitié les risques (pour les eaux,les sols, les organismes non visés, les utilisateurs, etc.) émanant de ces produits. Sauf que ce Plan n’a aucune force obligatoire, et que son application se fait donc à bien plaire. Ceux qui sont déjà bons n’en ont pas besoin, et ceux qui ne sont pas bons peuvent allègrement continuer à polluer, si tel est leur souhait.

Engagement à bien plaire ou loi pour tous ?
Le but du contreprojet refusé suite à un lobbying intense de l’Union suisse des paysans (USP) au Conseil national était précisément de donner force de loi à ce Plan. Ce ne sera donc pas le cas, à moins que le Conseil des Etats ne corrige encore les choses. L’objectif du lobby paysan est clair : faire refuser en votation populaire les initiatives antipesticides sans devoir faire la moindre concession, sans accepter le moindre renforcement des exigences légales. Du volontaire, que du volontaire ! On pourrait sur ce modèle tout aussi bien demander que les contribuables soient libres de payer ou non leurs impôts, les automobilistes de s’arrêter ou non aux feux rouges…

L’USP reproduit ici l’attitude d’Economiesuisse lorsque cette organisation refuse tout contreprojet à l’initiative pour des multinationales responsable – bien qu’un nombre croissant d’acteurs économiques en souhaiteraient un. Alors qu’il est urgent de généraliser les bonnes pratiques, ces lobbies s’obstinent à protéger les plus mauvais de la classe. Mais refuser constamment les compromis ne peut que conduire à radicaliser les positions : qui sème le vent récolte la tempête et le lobby paysan ne pourra que s’en prendre à lui-même si les deux initiatives anti-pesticides sont finalement acceptées en votation populaire.

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