La Suisse et le monde

Vaches sans cornes et respect des traités signés, deux sujets bien suisses…

Le premier sujet peut paraître anecdotique. Mais la pratique de l’écornage des vaches est hautement emblématique du type d’agriculture que nous voulons. Des produits aseptisés, standardisés, normalisés, issus de végétaux et d’animaux eux-mêmes normalisés, standardisés, aseptisés ?

Les cornes ? Un risque, celui de recevoir un coup… de corne. Une gêne – celle de ne pas pouvoir entasser dans les étables autant de bovidés que l’on voudrait ; ça limite le rendement, c’est sûr. On connaît cela des tomates ou des abricots cueillis avant maturité, formatés pour le stockage et le transport. Mais sans individualité, sans goût. Voulons-nous vraiment cette fuite en avant vers toujours plus d’artificialisation ?

Enlever les cornes à une vache c’est comme enlever ses griffes ou ses moustaches à son chat – c’est le dénaturer pour notre confort. Faire cela aux vaches, symboles – parfois détournés et pris au second degré – de notre pays? Laissons donc les animaux être des animaux. La possibilité que prévoit l’initiative de dédommager le surcoût pour le paysan de ce respect de ses animaux de rente est à la fois équitable et raisonnable.

Passons au second sujet : pas de juges étrangers, restons maîtres en notre pays – et voilà le mythe national de Guillaume Tell détourné à la sauce UDC. Des juges étrangers, vraiment ? Notre autodétermination en cause ? Notre pays, chacun le sait, est fortement dépourvu de ressources naturelles, et dépend donc de leur importation ; il a développé en échange un savoir-faire dans la transformation et les services, et dépend ici de la clientèle étrangère.

Du coup, pour en assurer les conditions cadre, de nombreux traités multilatéraux ont été négociés et ratifiés, selon notre libre choix. Il s’ajoute que les grands enjeux globaux ne peuvent être gérés qu’ensemble, comme la migration, le changement climatique, la lutte contre les paradis fiscaux, entre autres. Et enfin nous avons, toujours librement, conclu des accords garantissant sur le continent européen le respect des droits humains, sous l’égide du Conseil de l’Europe dont nous faisons activement partie (au point que c’est une conseillère aux Etats suisse, Liliane Maury-Pasquier, qui préside actuellement l’Assemblée du Conseil de l’Europe).

Que veut l’initiative de l’UDC ? Que notre signature d’un traité international soit en permanence révocable: il suffirait d’un changement de la constitution qui serait contraire à un engagement international pour devoir en sortir. Alors qu’il y a des procédures propres à chaque traité, connues et acceptées au moment de leur ratification, pour les quitter. Donald Trump en fait actuellement l’expérience, puisqu’il ne pourra pas résilier l’Accord de Paris avant 2020.

Tout cela parce que l’UDC veut relativiser la portée de la Convention européenne des droits de l’homme. De deux choses l’une : ou bien nous n’avons rien à nous reprocher et il n’y a pas de problèmes, ou alors nous craignons de ne pas être à jour en cette matière, et c’est bien pour parer cela que nous avons ratifié cette convention : pour donner plus de force à nos valeurs fondamentales, qu’il peut aussi arriver à nos institutions de ne pas respecter comme il le faudrait. Un peu comme il a fallu l’intervention du Tribunal fédéral pour que les femmes appenzelloises finissent par avoir le droit de vote…

L’enjeu est donc double : notre signature librement consentie d’accords internationaux ne doit pas être relativisée ; notre protection des droits humains ne doit pas être affaiblie. Quel peuple au monde accepterait d’accroître l’insécurité juridique, de réduire une garantie de ses droits individuels, de déclarer que ses engagements internationaux ne sont aucunement contraignants ? Ne donnons pas cet exemple-là.

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