Vers une économie numérique

La mobilité passe à l’ère du Big Data

Les expériences pilotes visant à introduire des véhicules autonomes se multiplient. Le site de l’EPFL a été un des précurseurs, avec ses six navettes qui ont desservi le campus entre avril et juin 2015. En mai dernier, l’université de Genève a été désignée pour piloter le consortium européen Avenue, dont le but est de tester le transport collectif de personnes sans chauffeur en milieu urbain.

La mobilité de demain ressemblera à cette animation créée par le MIT Senseable City Lab :

L’impact attendu est la réduction massive du nombre d’accidents et la disparition des embouteillages. Pour rappel, le nombre d’heures d’embouteillage en Suisse a doublé depuis 2009, avec 24’000 heures en 2016 selon l’OFS.

Les données numériques vont jouer un rôle clé pour rendre cette vision possible. Pour orchestrer tous ces flux de véhicules à l’échelle de la ville, l’aide d’un aiguilleur sera nécessaire. Cet aiguilleur devra avoir accès à des milliards de données de mobilité.

Comment cet aiguilleur peut-il acquérir ces géodonnées ?

Nos voitures, nos vélos électriques, les capteurs sur les routes produisent des géodonnées. Nous générons également des traces numériques au travers :

Du smartphone que nous avons tous dans notre poche. Collectivement, nos smartphones génèrent par exemple sur le réseau Swisscom plus de 20 milliards de données par jour qui permettent de visualiser nos déplacements comme le montre cette animation faite en ville de Zurich :

D’un bracelet connecté à notre poignet. Les données produites peuvent également permettre de visualiser nos déplacements comme le montre cette vidéo du MIT Senseable City Lab en ville de Boston et à San Francisco :

Qui se profile comme l’aiguilleur de notre mobilité ?

Des entités publiques et privées proposent déjà un service pour nous aider à optimiser nos trajets. Prenons deux exemples :

Le Canton de Genève a déployé des centaines de capteurs routiers connectés sur tout son territoire. Ces données sont à la fois une source d’information précieuse pour la planification urbaine, et d’autre part, elles sont également mises à disposition du citoyen sur le portail infomobilité.

Google propose l’application Waze. Celle-ci nous indique le meilleur itinéraire en fonction des conditions du trafic. L’application combine à la fois les données de positionnement de notre smartphone et les informations sur le trafic remontées par les utilisateurs.

Quels sont les objectifs visés par ces aiguilleurs ?

Suivant le type d’entité qui jouera le rôle d’aiguilleur, les objectifs ne seront pas les mêmes. Si on reprend nos deux exemples :

Réduire le trafic au centre-ville est l’objectif visé par le Canton de Genève. Il a pour cela défini une hiérarchie de réseau : les voitures qui passent par le centre-ville mais qui ne s’y arrêtent pas doivent contourner le centre en utilisant les routes extérieures comme indiqué sur le schéma ci-dessous.

Minimiser le temps de parcours individuel de leurs utilisateurs est l’objectif de Google. En conséquence, si le chemin le plus court pour vous rendre à votre destination consiste à passer par des petites ruelles du centre-ville, c’est le chemin qui vous sera proposé.

Comment assurer l’intérêt commun ?

Il y a donc un conflit d’intérêts entre d’un côté une application qui vise à vous proposer une solution individuelle et de l’autre, les nuisances que cela engendre sur tout un quartier. C’est un phénomène en forte augmentation dans toutes les villes du monde.

L’enjeu pour piloter la mobilité de demain est donc double :

Développer des collaborations qui permettent de combiner les différentes sources de données pour obtenir une compréhension complète de la dynamique du trafic.

Aligner les objectifs des algorithmes développés de sorte que les itinéraires proposés garantissent le fonctionnement adéquat de la mobilité pour toute la population, ainsi que l’assurance de la cohérence avec les politiques publiques en matière d’urbanisme et de transport.

Le rôle de l’Etat est appelé à évoluer car il n’est déjà plus en mesure de rivaliser avec les acteurs privés qui possèdent beaucoup plus de données.

A Genève, c’est une opportunité pour positionner le Système d’Information du Territoire (SITG), structure précurseur sur ces enjeux de la géoinformation. La mission du SITG ne sera certainement pas d’être l’aiguilleur de la mobilité de demain, mais il pourrait devenir la plateforme qui collecte et garantit la qualité des multiples sources de géodonnées. Il pourrait assurer la cohérence dans les développements de solutions de guidage proposées par les acteurs qui utiliseront ces données.

La cité du bout du lac est la plus congestionnée de Suisse selon le dernier classement d’INRIX, elle a maintenant le potentiel de devenir exemplaire dans le pilotage de la mobilité de demain en maîtrisant la gouvernance du Big Data des géodonnées.

Sur ce même thème, ma présentation au Forum des 100 le 24 mai dernier :

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