La vie autrement

Déconnectés du vivant

« L’occasion de s’offrir un nouveau Galaxy puissant n’a jamais été aussi belle. Le nouveau Galaxy S20 FE 5G te propose toutes les fonctions que tu souhaites pour faire tout ce que tu aimes, et surtout aussi longtemps que tu veux ». Cette publicité de Samsung est un remarquable condensé du langage dégoulinant de séduction trompeuse des fabricants de smartphones alliés aux opérateurs de téléphonie mobile lancés à tombeau ouvert dans la 5G. Avec la complicité de gouvernants comme le président Emmanuel Macron qui a récemment ironisé sur ceux qui préfèreraient « le modèle Amish » et « le retour à la lampe à huile ». Comme si la cinquième génération des standards pour téléphonie mobile devait s’imposer comme une évidence, un progrès pour toute l’humanité entrée dans un nouveau siècle des Lumières.

Ce serait ignorer que la 5G, notamment testée en Suisse sur neuf sites du canton de Vaud, va entraîner un tsunami de renouvellement des smartphones. Les outils numériques actuellement en fonction ne sont en effet pas équipés pour la capter. Une vraie poule aux œufs d’or s’offre aux équipementiers qui n’ont visiblement rien à faire de l’épuisement des ressources naturelles non renouvelables, de la pollution due à l’extraction des métaux rares et de la génération de déchets non ou peu recyclables. Qui plus est, selon le Shift Project – un laboratoire d’idées en faveur d’une économie bas carbone – la 5G triplera la consommation énergétique des opérateurs. Voilà qui ne plaide pas en faveur d’une sobriété dont notre planète épuisée a cruellement besoin.

Sans étude d’impact environnemental sérieuse sur son déploiement, la 5G aboutira par ailleurs à une hausse du niveau d’exposition de la population aux ondes dont les effets biologiques et sanitaires potentiels sont toujours ignorés. Pour cette technologie naissante, les chercheurs reconnaissent ne pas avoir assez de recul. Mais la perspective d’inonder nos appartements et infrastructures d’objets connectés, du réfrigérateur jusqu’aux lunettes, fait briller les yeux des géants du WEB nord-américains et chinois. Le principe de précaution si mollement défendu par les États ne fait pas le poids face à leur soif de conquête de juteux marchés et d’emprise technologique sur les individus.

L’insidieuse promesse publicitaire de faire « tout ce que tu aimes aussi longtemps que tu veux » n’est finalement qu’une dose supplémentaire de cocaïne numérique destinée aux drogués du smartphone que nous sommes en grande partie devenus, silhouettes courbées à longueur de journée sur notre petit écran lumineux, enchaînées à un monde virtuel déconnecté du vivant. (Chronique parue dans l’Écho Magazine du 4 novembre 2020)

 

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