La vie autrement

De gauche ou de droite?

Quand au tout début des années 1970 je militais en France au sein de l’Union des jeunes pour le progrès (UJP), un mouvement de jeunes gaullistes, je n’appréciais guère que mes camarades socialistes et communistes me considèrent comme étant un individu «de droite». A mes yeux, Charles de Gaulle avait largement dépassé ces notions de droite et de gauche, rassemblant mes compatriotes si enclins à la division autour d’une «certaine idée de la France», reconstruite sur le socle de nouvelles institutions et autour d’une réelle participation des citoyens à la vie collective, encore à construire. Quelques années plus tard, quand je rejoignis le Mouvement des démocrates fondé par Michel Jobert, j’adhérais à cet «ailleurs» prôné par l’ancien ministre des affaires étrangères, qui voulait lui aussi sortir de ce carcan de droite et de gauche. Hélas, son initiative fit long feu et l’«ailleurs» s’évanouit nulle part, pour tenter une bien fragile réanimation quarante ans plus tard avec Emmanuel Macron.

Débarquant en Suisse en 1980, je me dis naïvement qu’avec ses référendums et ses initiatives populaires, abordant des sujets bien concrets, ce pays devait certainement échapper à une sclérosante bipolarité politique. Mais je déchantai vite. On m’expliqua doctement qu’ici aussi la droite incarnait les valeurs de liberté, de propriété privée, d’ordre, d’identité nationale, de sécurité, de tradition et de non intervention dans l’économie, tandis que la gauche défendait plutôt des valeurs telles que l’égalité, la solidarité, l’insoumission, la tolérance ou la justice sociale. Quant au centre, faute de susciter l’enthousiasme des foules, il se contentait de jouer à l’arbitre.

Même les écologistes censés se préoccuper de la planète ont réussi à se diviser, à gauche avec les Verts et à droite avec les Vert’libéraux. Ces deux camps seraient-ils donc génétiquement programmés pour ne pas bouger, ad vitam aeternam? Rien n’est moins sûr. Face à l’urgence climatique et à l’effondrement de la biodiversité, c’est le monde politique dans son ensemble qui doit être chamboulé. Il ne sera bientôt plus possible de dissocier sécurité et solidarité avec l’afflux prévisible des réfugiés climatiques, ou encore de se demander s’il faut un zeste de taxe supplémentaire sur tel produit ou tel service destructeur de l’environnement au lieu d’y carrément renoncer. Ce sera toute notre manière de produire, de consommer, de nous loger et tout simplement de vivre qui devra être profondément revisitée. Sauvegarder à tous prix le vivant, servir l’humanité et l’aider à s’adapter à un monde profondément bouleversé, il n’y aura pas d’autre défi politique à relever.

(Trait libre publié dans L’Echo Magazine du 20 novembre 2019)

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