La vie autrement

Pub à dompter

 La publicité est sans doute l’un des plus fidèles miroirs de notre société déboussolée et ambivalente. Exemple: début juin, quelques jours avant que la canicule ne fasse tordre les rails et fondre le bitume, France 2 nous abreuvait quotidiennement d’une publicité de MSC Croisières. Juste avant le journal de 20 heures, cette société de navigation basée à Genève nous invite à de sublimes voyages de rêve sur ses magnifiques paquebots pouvant accueillir jusqu’à 5700 passages et 1700 membres d’équipage. Dépaysement assuré! Un soir, dans le journal qui suit cette pub, une étude de l’ONG Transport & Environnement nous révèle qu’en 2017 les 94 bateaux du leader mondial de la croisière de luxe, Carnival Corporation, ont émis à eux seuls dix fois plus d’oxyde de soufre autour des côtes européennes que l’ensemble des 260 millions de voitures du parc européen. Lesquelles sont aussi singulièrement sublimées par la pub.

A quelques minutes d’intervalle, la publicité nous incite donc à consommer sans retenue de la croisière de luxe et le journal d’information à ne plus participer à la destruction méthodique de notre planète. Un grand écart que pratique aussi à l’occasion Echo Magazine, qui critiquait dernièrement dans un article “les vols à 50 francs” et affichait, sur la page suivante, une publicité offrant des vols pour Malte à 47 francs!

La programmation du striatum

Au vrai, la publicité s’adresse à cette partie de notre cerveau appelée striatum que décrit fort bien Sébastien Bohler dans son dernier ouvrage Le bug humain (Robert Laffont). Le striatum est programmé pour poursuivre quelques objectifs basiques liés à sa survie, à brève échéance: manger, se reproduire, acquérir du pouvoir, le faire avec un minimum d’effort et glaner un maximum d’informations sur son environnement. Enfouie dans le tronc cérébral, se trouve une autre zone (appelée «aire tegmentale ventrale») qui approvisionne notre striatum en dopamine. Cette molécule biochimique provoque la sensation de plaisir et active le système de récompense/renforcement. Toujours plus de nourriture, de sexe, de pouvoir: nos neurones ne sont jamais rassasiés. Peu importe l’hyper-consommation qui pille la planète et met son écosystème en danger de mort! Les publicitaires de l’ancien monde n’en ont cure, tant que pour eux fonctionne la pompe à fric.

La conscience, ultime recours

Il y a heureusement un remède à ces dérives, c’est la conscience dont est doté l’être humain. Avide aussi de connaissances, notre striatum pourrait enfin s’en nourrir, pour le bien-être de la planète, donc de l’humanité. Avec, pourquoi pas, le concours de publicitaires d’un nouveau monde, qui nous encourageraient à réaliser de simples et authentiques croisières avec d’autres moyens, en harmonie avec la nature vivante.

Trait libre diffusé dans le dernier numéro d’Echo Magazine du 18 juillet 2019.

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