La vie autrement

Le regard de anges

Vous ne croyez pas aux anges? Si c’est le cas, ne vous inquiétez pas trop. Eux, à n’en pas douter, croient en nous. Si les anges volent, nous dit l’écrivain Gilbert Keith Chesterton, c’est parce qu’ils se prennent à la légère. Et pour nous supporter, encore et encore, nous les humains qui mettons tant d’application à détruire en quelques décennies des écosystèmes qui ont mis des millions d’années à se créer, il faut avoir le cœur léger. Pour ne pas s’effondrer sous le poids de notre ego trop souvent boursoufflé.

Alors si les anges, messagers du Tout Autre, continuent à croire en nous, c’est qu’ils pensent que nous pouvons encore et encore nous améliorer. Que nous pouvons, par exemple, ne plus devoir aller systématiquement au supermarché en délaissant marchés de rue et petits commerces, ne plus acheter une voiture – voire deux –  par famille, ne plus nous procurer des vêtements fabriqués en Chine dont le bas coût ne reflète pas les dommages sociaux et environnementaux engendrés, etc. Ils pensent en revanche que nous pouvons pratiquer la sobriété volontaire, le partage équitable et le respect de la nature vivante. Comme l’écrivent Pablo Servigne et Raphaël Stevens dans leur livre au titre décapant Comment tout peut s’effondrer (Seuil), «il n’est jamais trop tard pour construire des petits systèmes résilients à l’échelle locale qui permettront de mieux endurer les chocs économiques, sociaux et écologiques à venir».

Ces chocs, nous commençons déjà à les sentir. Aux catastrophes naturelles comme les gigantesques incendies, les ouragans ou les inondations qui bouleversent la planète, désormais à notre porte, s’ajoutent les attentats terroristes. Et à chaque fois, que constatons-nous? D’improbables solidarités s’organisent, des portes s’ouvrent pour accueillir les sinistrés, des relations humaines se nouent, des gens qui s’ignoraient se parlent, des veillées de prières illuminent les rues. Voilà sans doute de quoi mettre nos amis les anges…aux anges! Faut-il donc que les humains souffrent pour qu’ils fassent enfin l’apprentissage des rencontres fraternelles? Dès lors, le regard des anges n’est-il pas bien différent du nôtre? Ce qui pour nous est déchirement, écroulement n’est-il pas pour eux réparation et relèvement? Qu’ils me pardonnent si je me fais arbitrairement leur porte-parole! En me prenant moi aussi à la légère, je me donne des ailes pour gagner un peu de hauteur. J’espère ainsi échapper à la croyance, un peu trop facile à mon goût, d’un monde qui n’aurait aucun sens. (Trait libre publié dans Echo Magazine de mercredi 16 janvier 2019)

 

 

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