Le mouvement des gilets jaunes ne serait-il pas la première révolution numérique de ce siècle ?
Né sur les réseaux sociaux, amplifié par ces derniers, il court-circuite les partis politiques comme les syndicats, au grand dam de ceux-ci qui essaient désespérément et vainement de le récupérer.
Le mouvement des gilets jaunes fonctionne principalement à l’émotion, sans trop se soucier de la matérialité des faits ou de leur contexte. Une manifestante interviewée par France 2 se révolte contre le fait de gagner 500 euros par mois sans que l’on ait la moindre idée de son activité professionnelle ni de son temps de travail.
Comme dans les tweets, le message est ultra-court, voire sommaire. L’important est de susciter une réaction forte et immédiate. Un constat qui, bien évidemment, n’évacue pas le fait que de nombreux gilets jaunes (pas tous !) vivent une situation financière difficile et que leurs fins de mois sont de véritables casse-tête.
Killed en un seul clic
Par ailleurs, comme dans certains jeux vidéo, la solution au problème doit être rapide et définitive. On crie « Macron démission » sans vraiment se demander ce qui se passera une fois le président parti. L’adversaire virtuel du jeu vidéo, en l’occurrence Emmanuel Macron, est killed en un seul clic. Et vogue le navire ! Il y a un vainqueur, le joueur qui a gagné la partie, et un vaincu, ce monstre numérique accusé de tous les maux. Que va-t-il se passer demain, va-t-on vraiment raser gratis ? Peu importe. Game over. Une autre partie nous fera frissonner.
Cela dit, au-delà de ses aspects apparemment éphémères et irréfléchis, la révolution numérique véhiculée par le mouvement des gilets jaunes cache une lame de fond qu’il serait naïf d’ignorer, et que le grand débat national voulu par Emmanuel Macron tente (vainement ?) de cerner.
Refus puissant et diffus
Le profond désarroi de nombreux manifestants – et qu’une majorité de Français semble bien capter – marque un refus paradoxalement aussi puissant que diffus d’une société focalisée sur le profit à court terme, la dilapidation des ressources naturelles, la concentration des richesses par une minorité, etc.
Si la révolution numérique se met enfin à rimer, au plus haut niveau, avec une indispensable transition écologique et solidaire, le souffle de la raison et le cri du cœur scelleront une nouvelle alliance. Mais on en est encore bien loin…
