Les défis dans l’éducation et la formation

Est-ce un problème pour une haute école si ses étudiant-e-s sont peu mobiles durant leur formation ?

Où se situe la mobilité internationale des étudiant-e-s suisses ? Movetia vient de publier une statistique sur le sujet www.movetia.ch/fr/index. Le tableau général est assez contrasté  – le taux varie entre 1 et 50% – et plutôt décevant dans la mesure où seule une haute école sur neuf atteint le seuil des 20 % d’étudiant-e-s mobiles. Et alors, “c’est grave docteur ?” Pour les jeunes qui n’en profiteraient pas oui. Le fait de pouvoir séjourner à l’étranger et y effectuer une partie de leur formation permet aux étudiant-e-s de développer des compétences très recherchées sur le marché du travail et constitue une plus-value indéniable pour la suite de leurs carrières. Mais pour l’institution ? En apparence non, mais en interrogeant le niveau de mobilité des étudiant-e-s d’une haute école, on questionne aussi son ancrage international, dont on sait qu’il représente un facteur important pour la qualité de la formation.

Pouvoir mesurer les objectifs de la stratégie nationale

En Suisse le domaine des échanges et de la mobilité est piloté depuis 2017 par une stratégie nationale. Comme toute stratégie qui se respecte, elle est portée par une vision («chaque jeune en Suisse effectue au moins une fois une expérience d’échange ou de mobilité») et vise un certain nombre d’objectifs. Or le défi dans ce domaine n’est pas seulement d’atteindre ces objectifs, mais aussi de pouvoir les mesurer, tant les données sont manquantes ou complexes à collecter. A l’exception cependant de la statistique de la mobilité dans les hautes écoles de l’Office fédéral de la statistique (OFS)

Taux de mobilité et indice d’internationalisation des hautes écoles

Afin de pouvoir exploiter cette statistique, Movetia s’est associée à un chercheur de l’Université de Lausanne. Avec pour objectif d’en extraire une photographie de chaque haute école suisse et de tenter de comprendre les facteurs qui favorisent la mobilité internationale. Un travail qui a débouché sur un «indice d’internationalisation», étayé par des données complémentaires collectées au sein des hautes écoles. Les données de mobilité des étudiant-e-s diplômé-e-s (bachelor et master) prises en compte sont celles de 2020, afin d’exclure les effets négatifs liés à la pandémie.

De grandes différences entre les hautes écoles

Premier constat: les taux de mobilité des étudiant-e-s dans les hautes écoles suisses varient fortement (entre 1 % et 50 %). Second constat: le taux de mobilité moyen est plutôt bas, soit de 15,7 % – celui de l’Autriche à laquelle la Suisse peut être comparée est à plus 24 % – et il n’est atteint que grâce à la performance exceptionnelle des trois premières institutions. La grande majorité des hautes écoles suisses se situe encore loin du seuil de référence de l’espace européen de l’enseignement supérieur en matière de mobilité (20 % des diplômé-e-s devraient avoir étudié ou effectué un stage à l’étranger).

Des résultats surprenants, mais aussi encourageants

Etonnamment, le classement en termes de taux de mobilité est indépendant du type de haute école (hautes écoles universitaires, hautes écoles spécialisées, hautes écoles pédagogiques) et ne dépend a priori pas non plus de la taille ou de l’âge de la haute école ou de la région linguistique concernée. Ainsi, l’Université de Saint-Gall, l’EPF de Lausanne, la HEP de Saint-Gall, l’Università della Svizzera Italiana ainsi que la Haute école spécialisée de Suisse occidentale HES-SO figurent parmi les cinq premiers du classement. Ce qui montre qu’il est possible pour tous les types de hautes écoles d’atteindre des taux de mobilité élevés, malgré des situations de départ et des contextes différents, et ce indépendamment de la motivation des étudiant-e-s.

Lien entre mobilité des étudiant-e-s et internationalisation de l’institution

L’étude met aussi en évidence un «lien significatif» entre le taux de mobilité et le degré d’internationalisation des établissements. Si les séjours à l’étranger accroissent l’employabilité des diplômé-e-s et favorisent l’acquisition de compétences spécialisées et personnelles importantes, cette mobilité représente aussi un facteur d’internationalisation majeur pour les hautes écoles. S’il vaut la peine d’investir dans une approche complète de l’internationalisation, ce n’est pas uniquement pour les étudiant-e-s, une telle approche permet également de développer la qualité de l’enseignement et de la recherche, d’encourager l’innovation, et de renforcer la visibilité, la compétitivité et la réputation de l’institution en Suisse comme à l’étranger.

Ce que le résultat indique au-delà du classement

Evidemment une telle étude, surtout si elle débouche sur un classement des institutions, a aussi ses limites et ses raccourcis. Difficile en effet de comparer une université solidement établie et bien ancrée dans un réseau international avec une haute école pédagogique (HEP) moins avancée dans son processus d’internationalisation et dont les défis de formation se situent davantage au niveau régional. Mais n’empêche, on retrouve une HEP à la 3ème place, et 5 d’entre elles dans la première moitié du classement, avec des taux de mobilités plus élevés que certaines universités. Comme quoi la volonté institutionnelle est elle aussi déterminante.

En conclusion cette étude lève le voile pour la première fois sur la mobilité internationale des étudiant-s dans les hautes écoles suisses. Certes sous la forme d’un classement forcément réducteur, mais qui souligne des écarts importants sur lesquels les acteurs et actrices suisses de la formation doivent agir afin que l’ensemble des étudiant-e-s disposent de possibilités similaires. Question d’égalité des chances. Cette publication a aussi le mérite de stimuler le système, en espérant que les institutions sauront utiliser les clefs d’amélioration mises à leur disposition et, surtout, comprendre pourquoi elles sont importantes pour elles et la qualité de leur enseignement et recherche.

 

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