Erasmus+ et Horizon pour se réconcilier avec l’Europe

L’accord institutionnel entre la Suisse et l’Union Européenne est une histoire d’itinéraire. Ou le récit des voies à trouver pour construire notre prospérité commune. Si les chemins diffèrent, si les champs de collaboration varient et si l’intensité de nos liens divise, il demeure que la communauté de destin continentale, politique, culturelle et économique qui nous lie à l’Europe existe bel et bien. Irréfutable.

Aujourd’hui ce récit est en panne d’idée(s). Temporairement, car nul doute que les deux parties sauront se montrer inventives et qu’un nouveau narratif verra le jour dans un avenir proche. Parmi les défis à surmonter, celui de ne pas perdre de vue l’intérêt commun et de ne pas oublier d’y associer les futures générations. Car la compréhension interculturelle se nourrit aussi grâce et par l’éducation. Former les jeunes générations à se côtoyer et se confronter dans un esprit collaboratif ou sainement compétitif ne pourra que favoriser les liens et les échanges entre la Suisse et l’Europe, quel que soit le chemin choisi.

Dans ce sens, deux programmes-cadres européens touchant en particulier la jeunesse et la relève scientifique sont dans un excellent timing politique et n’attendent qu’à être ratifiés par la Suisse : Horizon Europe pour la recherche et Erasmus+ pour l’éducation. Dans les deux dossiers un consensus s’est formé au niveau national et les conditions juridico-politiques sont quasi réunies pour les faire aboutir.

Ce d’autant plus que formellement les deux programmes ne relèvent pas de l’accord institutionnel, ils n’exercent pas d’influence sur le marché. L’association de la Suisse dans les programmes éducation et recherche de l’UE relève d’un acte de coopération qui n’a par conséquent aucun lien, ni juridique ni matériel, avec l’accord institutionnel. Il n’en reste pas moins que la Commission européenne a décidé de ne mener aucun entretien exploratoire avec la Suisse tant que le dossier de l’accord institutionnel n’aurait pas progressé. Une occasion côté suisse de revenir dans la partie, de montrer son intérêt et de « faire la paix » avec l’Europe en s’engageant avec conviction sur ces deux dossiers. A défaut d’accord global, il faut parfois savoir se contenter de petits pas, ceux par exemple qui consistent à prioriser les dossiers qui rapprochent et non ceux qui divisent.

Horizon Europe

Horizon Europe, programme sur le point de succéder à Horizon 2020 (2014-2020), l’Union européenne (UE) est certainement le plus grand et le plus ambitieux programme d’encouragement de la recherche et de l’innovation au monde. Doté d’un budget de près de 100 milliards d’euros pour les années, il vise à renforcer les bases scientifiques et technologiques en Europe et à consolider la position de l’espace européen de la recherche dans le monde. Le programme encouragera la recherche et l’innovation fondée sur l’excellence pour créer une Europe plus verte, en pleine santé et prête à relever les défis actuels et à venir.

Les relations entre la Suisse et l’UE se caractérisent par une longue et fructueuse collaboration dans ce domaine. Dès 1987, très rapidement après la création de ces programmes en 1984, la Suisse a été une partenaire forte, performante et fiable. Avec plus de 4300 participations de chercheurs et d’entreprises établis en Suisse (état: septembre 2020), la Suisse est le plus actif des pays associés à Horizon 2020 et fait ainsi partie intégrante de l’espace européen de la recherche et de l’innovation.

La Suisse est prête pour les négociations concernant Horizon Europe, elle remplit toutes les conditions pour entamer les négociations avec l’UE en vue de sa pleine association au paquet Horizon. En décembre 2020, le Parlement fédéral a approuvé le message de financement pour le paquet Horizon 2021-2027. Quasi en même temps le Conseil fédéral a adopté le mandat de négociation et par la suite la révision de l’ordonnance relative aux mesures concernant la participation de la Suisse, qui est entrée en vigueur le 1er mars 2021.

Ne pas participer pour la Suisse à cet ambitieux programme de recherche aurait des conséquences scientifiques et économiques très lourdes. On se souvient de 2014.

Erasmus+

Erasmus+ est le programme européen qui vise à donner aux étudiant-e-s, aux élèves, aux stagiaires, aux enseignant-e-s d’une manière générale aux jeunes de moins de 30 ans, la possibilité de séjourner à l’étranger pour renforcer leurs compétences et accroître leur employabilité. Il aide également les organisations à travailler dans le cadre de partenariats internationaux et à partager les pratiques innovantes dans les domaines de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport.

Depuis 2014, la Suisse ne peut participer qu’indirectement au programme européen de formation Erasmus+, dans le cadre d’une solution transitoire. Bien que cette solution assure la mobilité des personnes en formation, elle implique des restrictions importantes sur les autres volets du programme, en particulier les coopérations et les partenariats entre établissements qui sont fortement limités. La non-association à Erasmus+ affaiblit la position de la Suisse dans l’espace international de formation : notre pays est exclu d’organes internationaux et ne peut plus contribuer aux réformes politiques, son absence des groupes d’experts internationaux entrave la circulation des informations et l’échange de bonnes pratiques en matière de politique de formation. De plus, elle risque d’être distancée en matière de digitalisation et d’outils numériques.

Le Parlement s’en est préoccupé et le Conseil fédéral s’est engagé en faveur d’une association de la Suisse au programme « Erasmus+ » 2021-2027. Des négociations en ce sens seront menées dès que l’état des relations générales entre la Suisse et l’UE le permettra. Côté européen la proposition de programme pour Erasmus+ 2021-2027 vient d’être approuvée, le timing est donc parfait pour entamer ces négociations. Avec l’adoption de la Stratégie suisse en matière d’échanges et de mobilité en novembre 2017, la Confédération et les cantons se sont donnés comme objectif commun que les échanges, les coopérations et la mobilité deviennent un élément fort des cursus scolaires, professionnels et extrascolaires, ainsi que de la qualité et de la capacité d’innovation de notre système éducatif.

Une occasion est donnée à la Suisse de franchir un pas déterminant dans cette direction en rejoignant le programme européen Erasmus+.

Olivier Tschopp

Olivier Tschopp est directeur de Movetia, l'agence nationale pour la promotion des échanges nationaux, ainsi que des coopérations et mobilités internationales. Tour à tour enseignant, directeur d'école, puis secrétaire général d'un département, il connait parfaitement le système éducatif et le contexte institutionnel suisse. Ses choix professionnels sont étroitement liés au change management et ses motivations le poussent à relier les frontières (inter)culturelles.