Affaires de droit

Justice: les idées d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen face à la pratique en Suisse

Éclipsées par le débat sur le pouvoir d’achat, l’invasion de l’Ukraine ou encore la transition énergétique, les idées de deux candidats à l’élection présidentielle sont néanmoins passionnantes à décrypter. Non seulement parce que les propositions d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen s’opposent sur plusieurs points. Mais aussi parce que leur analyse permet de mettre en avant les différences entre les systèmes judiciaires français et suisse. En voici un petit résumé.

Marine Le Pen veut que les peines planchers soient rétablies, «pour que tout criminel et délinquant ait une sanction», selon son programme. Elle veut aussi « supprimer​ toute possibilité de réduction et d’aménagements de peine» pour des atteintes physiques aux personnes au-delà de six mois de prison ferme. La candidate du Rassemblement national veut en parallèle introduire «une perpétuité réelle», mais aussi de «très courtes peines de prison» d’une à deux semaines.

En Suisse la durée minimale de la peine privative de liberté est de trois jours (art. 40al. 1 CP). Elle peut même être plus courte si la peine privative de liberté est prononcée par conversion d’une peine pécuniaire ou d’une amende non payée (art. 40 al. 1 CP). La durée maximale de la peine privative de liberté est en principe de 20 ans au plus, mais lorsque la loi le prévoit expressément, elle peut être prononcée à vie (art. 40 al. 2 CP). En cas de prison à vie, une libération conditionnelle peut intervenir au plus tôt après quinze ans, voire après dix ans déjà si des circonstances extraordinaires le justifient. Sinon, elle peut intervenir aux deux tiers de la peine.

La pratique du sursis

L’octroi du sursis est la règle en Suisse s’agissant des peines pécuniaires ou privatives de liberté d’une durée inférieure ou égale à 2 ans. En effet, d’après la loi le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). En revanche, si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP). L’octroi du sursis peut également être refusé lorsque l’auteur a omis de réparer le dommage comme on pouvait raisonnablement l’attendre de lui (art. 42 al. 3 CP).

Le juge peut également suspendre partiellement l’exécution d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur (art. 43 al. 1 CP).

Surveillance électronique

La semi-détention est possible s’agissant d’une peine privative de liberté de 12 mois au plus. Dans cette hypothèse, le détenu continue son travail, sa formation ou son activité à l’extérieur de l’établissement de détention et passe ses heures de repos et de loisirs dans l’établissement (art. 77 b al. 2 CP). Quant au travail d’intérêt général, il est possible comme mode d’exécution d’une peine privative de liberté de six mois au plus, de même que d’une peine pécuniaire ou d’une amende (art. 79a CP). Enfin, la surveillance électronique entre en ligne de compte au titre de l’exécution d’une peine privative de liberté de 20 jours à douze mois (art. 79b CP)

La libération conditionnelle intervient en principe aux deux tiers de la peine, pour autant que le comportement du détenu durant l’exécution de la peine ne s’y oppose pas et qu’il n’y a pas lieu de craindre qu’il ne commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits (art. 86 CP). En cas de condamnation à vie, la libération conditionnelle peut intervenir en principe au plus tôt après quinze ans ; après dix ans si des circonstances extraordinaires le justifient.

La questions des amendes forfaitaires délictuelles

De son côté, Emmanuel Macron entend généraliser les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) pour l’appliquer à tous les délits punis d’un an d’emprisonnement au plus. La procédure d’amende forfaitaire délictuelle (AFD) est aujourd’hui utilisée en France pour réprimer par exemple la consommation de cannabis. Les infractions concernées pourraient alors être constatées et directement sanctionnées par les forces de l’ordre.

En Suisse, la procédure simplifiée de l’amende d’ordre, permet aux organes de police de percevoir une amende d’un montant maximal de 300 francs. L’amende d’ordre peut sanctionner quiconque commet une contravention – c’est-à-dire une infraction passible de l’amende uniquement – prévue dans certaines lois, telles que, par exemple, la loi sur la circulation routière ou la loi fédérale sur les stupéfiants. Les infractions susceptibles d’être réprimées par une amende d’ordre sont listées aux annexes 1 et 2 de l’ordonnance sur les amendes d’ordre. A la différence de ce que propose Emmanuel Macron, la procédure d’amende d’ordre que nous connaissons en Suisse ne s’applique pas en présence de délits pouvant être sanctionnés d’une peine privative de liberté.

Pour les délits plus grave, la Suisse connait la procédure de l’ordonnance pénale, qui permet au ministère public de prononcer une amende, une peine pécuniaire jusqu’à 180 jours-amende ou une peine privative de liberté de six mois au plus. Cette procédure, qui permet de condamner sans passer par la case Tribunal est très largement utilisée en Suisse et constitue même la grande majorité des condamnations.

Différences concernant les prisons

Enfin, un point sur les prisons. Selon les dernières estimations, il y a 70.000 détenus pour 60.000 places actuellement en France. Dû côté, Emmanuel Macron promet la création de 15.000 places supplémentaires, 7000 ayant déjà été créées. En face, Marine Le Pen veut qu’à la fin de son mandat, 85.000 places en cellule aient été créées.

En Suisse, la situation est très différente. Au 31 janvier 2021, sur les 7397 places disponibles dans les 92 établissements carcéraux que comptait alors la Suisse, 85,4% étaient occupées.

 

 

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