Un pas en avant

Réchauffement climatique : à qui de jouer ?

La situation environnementale alarme de plus en plus la sphère scientifique, obligeant les différents acteurs à réévaluer leurs responsabilités. Gouvernements, industriels et citoyen·ne·s, dans quel camp se situe aujourd’hui la balle ?

« La fonte du pourtour de l’Antarctique, qui a commencé il y a plusieurs années, était prévue par les scientifiques pour la fin du siècle. » Dominique Bourg, Professeur à la faculté des géosciences et de l’environnement à l’Université de Lausanne et président du conseil scientifique de la Fondation Nicolas-Hulot, rappelle l’urgence actuelle de la crise environnementales. Les conséquences de l’exploitation polluante et effrénée de ressources épuisables se font de plus en plus ressentir, soulignant la nécessité d’une transition écologique accélérée. Les gouvernements, les citoyen·ne·s et les industriels se renvoient volontiers la balle concernant la responsabilité de ce changement radical mais nécessaire. Néanmoins, chacun de ces acteurs joue un rôle important, bien que différent, dans cette réorganisation de l’activité humaine sur la planète.

Des politiciens qui regardent ailleurs
Au niveau des gouvernements, dont la fonction dans cette transition serait d’encadrer les activités économiques lorsqu’elles deviennent dangereuses pour l’environnement, la plupart des dirigeant·e·s sont aux abonnés absents, trop occupé·e·s à faciliter la transition du commerce international et à défendre des intérêts qui riment rarement avec l’écologie. En témoigne la démission de Nicolas Hulot au gouvernement français, mardi 28 août, confronté à de nombreuses résistances des lobbies dans les cercles de pouvoir et incapable d’agir de manière adaptée face à l’ampleur des problèmes environnementaux. Le règne international du néo-libéralisme permet aux industriels les plus cyniques de poursuivre en toute indifférence leur course vers plus de productivité, satisfaisant les besoins d’un modèle économique basé sur la croissance infinie. Néanmoins, un bouleversement d’ampleur risque de changer la donne, le réchauffement climatique ne se résumant plus à des prévisions abstraites pour un futur lointain. La crise environnementale est maintenant visible, comme l’indique Dominique Bourg : « nous sommes aujourd’hui très probablement dans ce qui sera la quatrième année consécutivement la plus chaude jamais enregistrée[1] et de nombreuses personnes ont directement souffert des canicules. La contradiction entre l’inaction des grands acteurs et la détérioration de la situation va devenir sensible et risque de susciter des réactions différentes. » Autrement dit, les citoyen·ne·s ne laisseront plus les gouvernements se croiser les bras.

Le citoyen comme levier
Potentialité d’autant plus riche en Suisse, où la démocratie semi-directe offre aux individus une emprise incomparable sur les décisions politiques. A cette responsabilité s’additionne la nécessité de servir, en tant qu’habitant·e·s d’un pays sur-développé, de modèle pour les pays en voie de développement, qui se calquent inévitablement sur les systèmes des nations les plus privilégiées. Selon l’OFS, si tou·te·s les terrien·ne·s vivaient comme un·e suisse moyen·ne, il faudrait les ressources de trois planètes pour alimenter le mode de vie de la population mondiale[2]. Ce à quoi le Professeur ajoute : « 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont dues à 10% de la population[3], ce qui accroît la responsabilité des populations les plus riches ». Bien que les progrès actuels ne soient pas encore assez rapides pour répondre à l’urgence de la crise environnementale, les citoyen·ne·s suisses font des efforts salutaires dans leur mode de vie, notamment en termes d’alimentation. Selon bio-suisse.ch, la consommation de nourriture biologique est en augmentation et représente 9% des denrées alimentaires vendues sur le territoire helvétique[4]. Par ailleurs, le nombre de végétarien·ne·s s’est multiplié par six en quinze ans[5], représentant 11% de la population d’après le site de Swissveg[6]. Pour 58% d’entre eux, cette décision est motivée par une volonté de réduire leur émission de gaz à effet de serre. Enfin, au-delà des choix individuels de consommation, des projets collectifs centrés sur le développement durable voient le jour.

Se réunir autour de l’environnement
En prenant l’exemple de Lausanne, de plus en plus de personnes s’investissent bénévolement ou se contentent de salaires basiques pour consacrer leur temps à des entreprises écologiques. Des épiceries favorisant le vrac voient le jour, diminuant la quantité de déchets ménagers produits par ses client·e·s (Chez Mamie) ; d’autres visent même une consommation exclusivement bio et locale (La Brouette) ; différentes entreprises promeuvent la Slow-Fashion, s’opposant ainsi aux désastres environnementaux produits par l’industrie de la mode (Fair’Act) ; des « plantages » voient le jour afin d’offrir à tout·e citadin·e la possibilité de se faire la main verte ; des Disco-Soupes s’organisent pour lutter contre le gaspillage alimentaire, mais encore… Qui plus est, ces projets ont un avantage commun, celui de permettre aux lausannois·es de se réunir autour d’un but collectif et d’accéder à des groupements de taille humaine, favorisant un contact que les modèles de consommation classiques ont perdu. Face à l’ampleur des problèmes environnementaux, rien de plus sage et sécurisant que de passer à l’action dans le cadre de mouvements désireux d’avancer de manière durable.


[1] « 2015, 2016 and 2017 have been confirmed as the three warmest years on record »
https://public.wmo.int/en/media/press-release/wmo-confirms-2017-among-three-warmest-years-record

[2] « Près de trois planètes Terre seraient nécessaires si tout le monde vivait comme la population suisse »
https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/developpement-durable/empreinte-ecologique.html

[3] « environ 50% de ces émissions [de gaz à effet de serre] sont imputables aux 10% des habitants de la planète les plus riches »
https://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/file_attachments/mb-extreme-carbon-inequality-021215-fr.pdf

[4] https://www.bio-suisse.ch/media/Ueberuns/Medien/BioInZahlen/JMK2018/bio_in_zahlen_17_f_final.pdf (p. 11)

[5] 1992 : 1,8% https://www.swissveg.ch/statistiques?language=fr
2017 : 11% https://www.swissveg.ch/veg-umfrage

[6] https://www.swissveg.ch/veg-umfrage

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