Droits humains

Le lobby des multinationales gagne au Parlement

annonce parue dans Le Temps, le 16 mars 2019

Les multinationales peuvent continuer à violer les droits humains ou à polluer l’environnement, notre Parlement s’en moque. Le Conseil des États a décidé le 12 mars dernier de saborder le contre-projet élaboré pourtant durant de nombreux mois et accepté – sur le principe – par le Conseil national l’an dernier. La population suisse aura le dernier mot : l’initiative « pour des multinationales responsables », soutenue par plus de 110 organisations, sera soumise au vote sans doute en 2020.

Combien faudra-t-il encore de scandales pour qu’enfin notre pays se dote de normes contraignantes pour réguler les activités des entreprises suisses et de leurs filiales ? Pollution causée par l’exploitation minière, exportation d’un produit hautement toxique non autorisé à la vente chez nous, travail des enfants dans des plantations, conditions de travail inhumaines dans les industries textiles…

Une étude de Pain pour le prochain recense qu’au cours des six dernières années, 32 entreprises suisses ont été impliquées à l’étranger dans 64 violations de droits humains et de dégradations de l’environnement.

On pouvait penser que la multiplication de ces exemples frappants convaincrait notre Parlement de fixer enfin des règles pour obliger les entreprises à respecter les droits humains et l’environnement. Il n’en est rien. Le Conseil des États, après 15 séances et une année et demie de discussion, a finalement décidé le 12 mars dernier de saborder le contre-projet qu’il était en train d’élaborer. Il a également recommandé de rejeter notre initiative. Bref : il refuse de fixer des règles et tolère que des entreprises suisses comme Glencore, Syngenta et Novartis continuent à faire des affaires de manière irresponsable sans que cela ne porte à conséquence. C’est navrant.

Cette décision est clairement le résultat d’un lobbying intense mené par les faîtières économiques, EconomieSuisse et SwissHoldings, qui s’opposent depuis toujours à des normes contraignantes. Selon elles, les mesures volontaires, appliquées au bon vouloir des entreprises, sont largement suffisantes. Or, comme le fait remarquer l’ancien conseiller aux Etats PLR Dick Marty, co-président du comité d’initiative pour des multinationales responsables : « Personne ne voudrait que la circulation routière repose sur des principes volontaires et soit dictée par la loi du plus fort. De la même manière, les activités des sociétés à l’étranger doivent être encadrées par des règles claires.»

Gageons que ces mêmes faîtières économiques ne vont pas tarder à regretter d’avoir fait capoter ce compromis. En moins de 3 jours, après le vote négatif du Conseil des États, 17’000 personnes avaient ainsi signé notre annonce et payé pour sa publication dans Le Temps, samedi dernier, ainsi que dans des journaux alémaniques. La campagne en faveur de l’initiative est lancée !

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