Droits humains

Parce que nous sommes des femmes

Des dizaines de milliers de Polonaises ont manifesté contre le projet de restreindre l'accès légal à l'avortement.

Pour étrenner mon blog sur le site du Temps, le thème des droits des femmes me paraissait incontournable, notamment parce que Le Temps mène durant un mois une excellente opération sur l’égalité entre femmes et hommes. Mais aussi et surtout parce que les récentes mobilisations des femmes montrent que nous pourrions vivre un tournant : aux États-Unis, suite à l’électrochoc qu’a représenté l’élection d’un président qui traite les femmes comme des objets sexuels, les Américaines ont manifesté par centaines de milliers. En Pologne, les femmes descendent dans la rue, vêtues de noir, pour s’opposer à la limitation de l’accès à l’avortement dans l’un des pays déjà les plus restrictifs en matière d’IVG. Partout dans le monde, les femmes se mobilisent sur les réseaux sociaux sous le slogan #metoo ou #balancetonporc pour dénoncer le viol ou le harcèlement sexuel qu’elles ont subi seulement parce qu’elles sont des femmes.

Il faut le rappeler : toutes ces violences ou ces discriminations ont le genre pour cause commune. Parce que nous sommes des femmes, on nous refuse dans certains pays le droit à l’éducation, l’accès au marché du travail ou la possibilité de divorcer. Parce que nous sommes des femmes, nous sommes victimes de mutilations génitales, de viols comme arme de guerre, de féminicides. Parce que nous sommes des femmes, nous risquons dans certains États la prison pour un avortement clandestin ou même une condamnation à des années de détention pour une fausse couche.

Les inégalités salariales se maintiennent

Et si en Suisse les femmes ont obtenu – souvent de haute lutte – le droit de vote, l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse, ou encore la condamnation du viol au sein du couple, il ne faut pas se leurrer : l’égalité a beau exister dans la loi, elle n’est pas encore, et de loin, réalité. Les femmes restent sous-représentées en politique et dans les postes à responsabilité des grandes entreprises. La charge du travail domestique reste majoritairement assumée par les femmes. Leur salaire reste inférieur de près de 20 pourcent à celui des hommes, notamment parce qu’elles travaillent davantage à temps partiel et n’accèdent pas aux mêmes responsabilités. Mais ces justifications ne suffisent pas : la différence salariale inexplicable et non liée à des facteurs objectifs reste de 7 pourcent dans notre pays, et cet écart n’est pas en train de se réduire.

Il est donc impératif d’adopter rapidement des mesures contraignantes pour lutter contre cette discrimination à l’égard des femmes. Nos autorités – essentiellement composées d’hommes – rechignent : le Conseil des États a refusé en mars une mesure en faveur de l’égalité salariale au sein des entreprises. Une mesure pourtant très limitée, puisqu’elle ne visait qu’à imposer aux entreprises de plus de 50 employées et employés d’analyser les salaires une fois tous les quatre ans et de faire contrôler cette analyse par un tiers, mais ne prévoyait aucune sanction en cas de disparités salariales.

A quand une nouvelle grève des femmes ?

Aux États-Unis ou en Pologne, il a fallu de véritables retours en arrière pour que les femmes s’insurgent. Que faudra-t-il pour que les femmes suisses se mettent à nouveau en grève ? J’avais seize ans lors de la grève des femmes du 14 juin 1991, une grève qui visait à faire appliquer l’égalité entre hommes et femmes dans notre pays, et j’étais allée à l’école habillée de rose, par signe de solidarité avec ce mouvement. Vingt-cinq ans plus tard, force est de constater que les femmes ne sont toujours pas les égales des hommes. Et si nous ressortions nos habits roses du placard et réclamions que l’égalité des droits devienne enfin réalité ?

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