Et qu’en disent les femmes de droite?

“Des tenues vestimentaires nous sont imposées”

“Des tenues vestimentaires nous sont imposées”, dénonçait le manifeste pour la grève féministe du 14 juin 2019, prétendant lutter contre l’oppression vestimentaire dont serait prétendument coupables nos sociétés occidentales envers leurs femmes.

La cohérence aurait voulu que ces mêmes femmes soutiennent aujourd’hui l’initiative pour l’interdiction de se voiler le visage qui, entre autres, empêcherait dans nos lieux publics le symbole fort de soumission féminine qu’est le voile intégral. Mais il faut croire que dès lors que l’on sort d’une oppression davantage théorique et prétexte à manifestation et à victimisation pour lutter contre des coutumes venues d’ailleurs, la solidarité féminine se dégonfle comme un ballon baudruche. Défendre la femme en 2019, c’était dénoncer la prétendue oppression vestimentaire dont elle serait victime dans notre culture pourtant égalitaire. En 2021, les mêmes femmes déclarent qu’agir en ce sens est sexiste et une atteinte à nos libertés individuelles.

Tout en prétendant lutter pour l’accès de toutes les femmes à toutes les professions et à des revenus suffisants, engagement louable s’il en est, les néo-féministes refusent de lutter contre le voile intégral, obstacle majeur d’accès à de très nombreuses professions, voire même de nombreuses formations. Ces incohérences sont trop fortes pour ne pas les souligner. Le néo-féminisme qu’on nous inflige aujourd’hui a choisi ses coupables et son oppression et il s’agirait de ne pas en sortir si l’on ne veut pas être taxé de “vieil homme blanc”, comme on a pu l’entendre ces dernières semaines.

Individu, oui, mais social

Il serait temps désormais, que l’on soit femme ou non, de lever les yeux au-delà de son propre intérêt ou de celui de ses semblables pour regarder la société dans son ensemble. Car la question dépasse de loin l’ultra-nombrilisme de femmes qui réclament de pouvoir faire ce qu’elles veulent. La question est sociétale et culturelle.

Un des arguments contre cette initiative est qu’elle restreint la liberté individuelle de quelques femmes en Suisse. Avancer cela, c’est premièrement partir du principe absolu qu’aucune femme en Suisse ni aucune touriste visitant notre pays ne serait contrainte à se voiler le visage ni ne le sera jamais, présomption rapide et potentiellement dangereuse pour l’égalité hommes-femmes. C’est ensuite oublier le principe même de la vie en société qui fait que nous sommes constamment en train de tenir compte les uns des autres, de nous respecter et de nous accorder à un fonctionnement sociétal commun. C’est d’ailleurs ce qu’a répondu à deux reprises la Cour européenne des droits de l’homme, déboutant des recours de femmes s’opposant à la décision de la France et de la Belgique d’interdire le voile intégral. La mesure prise par les gouvernements belge et français se justifie pleinement selon Strasbourg, pour “la sécurité publique, l’égalité entre hommes et femmes et une certaine conception du ‘vivre ensemble’ dans la société”. Selon la CEDH, la loi interdisant la dissimulation du visage est proportionnée, n’empêche ni liberté de culte ni liberté d’opinion et vise à “protéger une modalité d’interaction entre les individus essentielle au fonctionnement d’une société démocratique”.

C’est de cela, bien plus que de choix personnel, dont il s’agit ici. La vie en société passe aussi par le respect de certaines normes culturelles majoritaires. Selon notre Constitution, des rituels confessionaux peuvent être interdits s’il existe un intérêt prépondérant de la société à le faire. Le peuple suisse a déjà usé de ce droit en acceptant à plus de 60% d’interdire l’abattage rituel, car dans notre culture, respecter un animal, c’est l’étourdir avant de l’abattre. Il serait d’une incohérence proche du scandale qu’un peuple qui a été capable de placer la protection des animaux au-dessus des rituels confessionaux refuse d’agir de même pour respecter les femmes. Car l’initiative, contrairement au contre-projet, va au-delà de l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public; elle interdit de contraindre quiconque à se dissimuler et punit les oppresseurs potentiels. Il s’agit d’une véritable protection de toute femme contrainte à se voiler intégralement.

Il y a des codes vestimentaires culturels qui font partie du système social, ce que reconnaît la Cour européenne des droits de l’homme. Ce sont ces codes qui nous imposent de ne pas nous rendre en maillot de bain au restaurant ou de retirer nos couvre-chefs en classe. Or notre culture est égalitaire, et l’égalité entre les hommes et les femmes est inscrite dans notre Constitution depuis 1981. Un symbole aussi fort de soumission de la femme, qui de plus lui empêche l’accès à de nombreuses activités ou professions, ne peut culturellement être accepté en Suisse. Ni même en Europe, et la question dépasse largement nos frontières: la France, la Belgique, l’Autriche et le Danemark interdisent déjà la dissimulation du visage dans l’espace public. En adoptant la même mesure, nous ne sommes de loin pas des précurseurs; en la refusant par contre, nous donnerions un signe clair, en comparaison avec nos voisins, d’acceptation de cette discrimination envers les femmes.

Ces musulmanes portant le voile, si aucune n’est contrainte comme le déclarent les opposants à l’initiative, doivent elles aussi comme nous tous apprendre à respecter les codes de la société dans laquelle elles évoluent, à s’adapter à la culture ultra-majoritaire des plusieurs millions de personnes avec lesquelles elles cohabitent. Il ne s’agit pas d’un débat sur une religion dans ce qu’elle a de fondamental, il s’agit simplement d’un débat sur ses expressions extérieures, facultatives et coutumières qui peuvent heurter notre culture égalitaire. Il s’agit d’une affirmation culturelle, d’une réaffirmation de notre respect de la femme et de notre manière occidentale de le manifester.

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