Je me souviens très bien du dimanche 9 février 2014 ainsi que des jours qui ont suivi. Tout à coup les étudiantes et étudiants de Suisse étaient dans les rues et reprochaient aux responsables des hautes écoles de s’être tus durant la campagne sur l’initiative dite contre l’immigration de masse. La Suisse découvrait que les hautes écoles allaient être parmi les premières à subir les conséquences de ce vote, avec l’exclusion des programmes-cadres européens de recherche et de mobilité.
A l’époque, nous, les rectrices et les recteurs des universités et des hautes écoles spécialisées, avons collectivement pris conscience de la nécessité de nous impliquer dans le débat politique, à notre mesure. Pour des scientifiques qui accordent une grande importance au caractère indépendant de l’activité de recherche et de formation, cela ne va pas de soi. Avec quelques collègues, j’ai tenté d’attirer l’attention sur les enjeux, mais timidement et sans réussir à trouver le chemin de l’opinion publique. Notre réserve a conduit à un manque d’information parmi les votants, ce que réprouve notre culture scientifique.
Cinq ans plus tard, une nouvelle initiative visant l’ancrage international de la Suisse est soumise au peuple et aux cantons. En apparence, l’initiative dite pour l’autodétermination de l’Union démocratique du centre (UDC) ne concerne pas les hautes écoles. Ses partisans ont commencé par dire qu’elle visait à prémunir la Suisse contre l’influence des juges étrangers. Ils ajoutent aujourd’hui que l’enjeu est de renforcer la démocratie directe, qui serait menacée. Comme Italienne d’origine, je dois dire que je peine à comprendre cet argument y compris en matière de politique étrangère !
Ne pas affaiblir un pilier du succès romand
En voulant faire primer le droit suisse sur le droit étranger, l’initiative affaiblit un pilier important de la réussite suisse : la sécurité juridique. A la HES-SO, nous mesurons bien à quel point le droit international est un élément essentiel du succès des PME romandes, avec qui nous sommes engagés dans de nombreux projets de recherche appliquée. Grâce aux contrats passés avec d’autre Etats, souvent plus grands et plus puissants que la Suisse, nos PME ont un accès facilité aux marchés internationaux, où elles gagnent jusqu’à un franc sur deux. Si le droit suisse devait primer, ce ne sont pas moins de 600 conventions qui seraient potentiellement mises en jeu. Fragilisées dans leur accès aux marchés étrangers, nos entreprises ne pourraient plus consacrer autant de moyens et d’énergie aux projets de recherche et développement qui font leur succès.
La HES-SO est à l’image de ces PME. Lorsqu’ils l’ont fondée, les cantons de Suisse occidentale lui ont donné le mandat de se positionner comme une actrice reconnue du paysage suisse et international des hautes écoles et de contribuer activement au rayonnement de la Suisse romande. Les accords internationaux et la sécurité juridique sont des conditions essentielles pour que la HES-SO accomplisse ce mandat. Le processus de Bologne, qui a abouti à l’espace européen de l’enseignement supérieur, le programme-cadre de recherche européen et le programme européen de mobilité sont des outils qui permettent à la HES-SO de défendre sa position au niveau national et international : une haute école proche du terrain et qui amène les personnes issues de la formation professionnelle à acquérir des compétences scientifiques.
Les hautes écoles ont payé le prix fort
Le domaine de la formation et de la recherche a payé le prix fort de l’initiative dite contre l’immigration de masse et des trente-six mois d’insécurité juridique qu’elle a créés. Dans un rapport publié en septembre 2018, le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation a chiffré à 734 millions de francs le préjudice prévisionnel subi par la recherche et les PME innovantes suisses. La HES-SO ne fait pas exception, même si elle est une petite joueuse par rapport à certaines universités ou aux EPF. Alors qu’elle n’a eu de cesse d’améliorer ses participations aux programmes-cadres de recherche européens, la HES-SO enregistre à ce jour un recul significatif à la fois en termes de projets, de financements et de coordinations. Les chiffres de la mobilité estudiantine ont eux aussi subi un fort recul. Ce n’est que cette année que nous avons pu retrouver les niveaux de 2014 après de longs mois de négociations avec nos partenaires et de reconstruction d’un climat de confiance.
L’initiative dite « d’auto-détermination » est source d’insécurité juridique – et celle-ci est néfaste au développement de toutes les hautes écoles suisses.
Femmes, je vous aime,
exprimez-vous, ça fait tant de bien à notre monde
?
Voyez d’ailleurs, chère Madame, je fais un petit test avec les blogs et il semblerait qu’encenser les femmes, coupe tout commentaire des hommes?
bon, c’est loin d’être scientifique, et ne suis ni docteur et encore moins docteure, mais…?
Madame Vaccaro,
Je suis entièrement d’accord avec votre analyse. Je pense que les hautes écoles peuvent prendre position publiquement sur des thématiques qui les touchent, même indirectement.
Sachant que le débat sur une association au programme Erasmus de 2021 commence très bientôt, la HES-SO pourrait-elle prendre position publiquement pour une ré-association de la Suisse ? Et sinon, pourriez-vous le faire à titre personnel ?
Merci d’avance pour votre réponse
Je suis convaincue depuis toujours du caractère intrinsèquement international de la recherche et de la formation. Je me suis toujours positionnée lors des initiatives qui menacent le succès bâti sur l’ouverture de notre système académique. En ce sens, je suis persuadée que le maintien de la position de pointe de la Suisse passe par une association à part entière aux programmes européens Erasmus+ et Horizon Europe, position d’ailleurs soutenue par swissuniversities, la faîtière de toutes les hautes écoles suisses. Je soutiendrai ce message lors des négociations pour l’association de la Suisse à ces programmes.