Quand la science s'exprime par l'art

Vouloir la transition énergétique

La posture des experts scientifiques du photovoltaïque est sans équivoque. Les technologies BIPV ou EPoG « Energy positive glazing » (voir article du 08.05.2019) offrent des solutions incontournables aux enjeux climatiques et énergétiques actuels. En Suisse, le potentiel de production du parc immobilier serait de 67 TW/h avec une majorité des toitures et façades recouvertes. Avec une demande de 50 TW/h, un déploiement à large échelle de la technologie EPoG permettrait donc de « décarboner » le pays. Comme nous avons pu l’entendre encore récemment en conclusion des projets PNR 70 et 71 du Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique ( FNS), le « problème » n’est plus technologique mais demande d’oser innover tant dans notre modèle social que économique.

L’énorme potentiel des technologies solaires se heurte à l’inertie politique, à l’influence des lobbys défendant notamment les intérêts du secteur fossile, à la frilosité des banques, et à la vision encore trop conservatrice du secteur du bâtiment. Cela implique un changement de paradigme, comme évoqué dans l’article précédent, passant notamment par plus de transparence des modes de financements en place et par le développement de conditions-cadres réellement attractives. Chacun doit assumer sa part de responsabilité. Dans le secteur de la construction, un tel changement pourra se concrétiser uniquement si l’ensemble du secteur partage la vision d’avenir de  bâtiments énergétiquement autonomes voire producteurs d’énergie  et réoriente ses pratiques dans cette direction.

L’année 2019 fait partie des années record. Certaines régions n’ont jamais enregistré de températures aussi hautes. Les orages et les inondations ont laissé la place aux pics d’ozone, à la sécheresse et aux dramatiques incendies dont nous avons été témoins. Quels sont donc ces nombreux blocages qui empêchent aujourd’hui un large déploiement du photovoltaïque intégré au bâtiment (EPoG) ? Les technologies pourtant abouties, rentables et à même de décarboner la Suisse en couvrant potentiellement la demande énergétique suisse de 50TW/h (avec une majorité des façades et toitures recouvertes, le potentiel est de 67 TW/h) sont encore si peu utilisées…

La Confédération Suisse est dans une phase d’observation avec la mise en œuvre de sa stratégie énergétique 2050. Les premiers résultats montrent que ce sont le plus souvent des systèmes conventionnels — des panneaux appliqués après-coup — qui sont installés sur une partie des toitures seulement alors qu’elles auraient pu être couverte intégralement. Cette stratégie n’offre pas des conditions suffisamment attractives particulièrement concernant l’encouragement à l’autoconsommation des ménages. Le taux de rachat du courant excédentaire produit par un ménage dépend du fournisseur, mais il est généralement bas et sans garantie (gén. entre 4 et 10 cts, et parfois moins de 4 ct le kWh). Les propriétaires hésitent donc à investir dans ces technologies. Pour susciter un réel encouragement, il faudrait assurer un taux de rachat de 10-15 ct/kWh avec une garantie de 15 ans. Les démarches coûteuses de mise en conformité des systèmes électriques représentent un autre aspect limitant pour les propriétaires. Mais comme elles sont favorables aux entreprises électriques, ce secteur s’oppose à tout changement.

Le monde politique a pour tâche de mettre en place de meilleures conditions-cadres voire de nouvelles régulations. Un programme politique de droite basé sur la responsabilité individuelle n’est pas suffisant. Un engagement en faveur de la simplification des procédures administratives où de l’octroi de soutiens financiers additionnels aux cantons et aux communes est nécessaire. Néanmoins on observe que de tels changements sont trop souvent freinés. Des conflits d’intérêts et des jeux d’influence (lobbys) participent à ce statu quo empêchant un développement axé sur la résilience et la durabilité.

Les banques ont elles aussi leur part de responsabilité. Les propriétaires déposant un projet d’investissement dans l’énergie photovoltaïque se voient le plus souvent déboutés par leurs banques alors qu’elles devraient allouer des crédits sans discuter à d’excellentes conditions.

Le déploiement de ces technologies ne repose cependant pas uniquement sur les conditions-cadres et financière, mais aussi sur un changement de valeurs chez les propriétaires. L’aspect financier, du retour sur investissement à court terme et à tout prix, devrait perdre en importance. Pourquoi ne pourrait-on pas se faire plaisir, comme pour l’achat d’une voiture, en investissant dans une façade ou une toiture solaire? Ces verres producteurs d’énergie ont une dimension esthétique indéniable et sont même source de revenus.

La durabilité doit devenir un critère prioritaire à tous les niveaux. Une vision commune tournée vers l’autoconsommation des bâtiments doit devenir la norme. La valeur des EPoGs, leur dimension certes écologique, mais aussi esthétique n’est pas encore reconnue par les architectes et le grand public. En outre, cette technologie doit être intégrée dès le début des projets pour éviter des surcoûts liés à l’apposition a posteriori d’éléments photovoltaïques.

Les conclusions des 300 chercheurs qui ont contribués aux projets PNR 70 « Virage énergétique » et PNR 71 « Gérer la consommation d’énergie » du FNS sont clairs : La transformation du système énergétique nécessite, en plus de l’implémentation des nouvelles technologies et infrastructures, des réglementations efficaces et des mesures incitatives pour encourager les changements de comportement volontaires. Il est aussi indispensable de combler le manque de connaissances de la population à tous les niveaux, citoyens mais aussi les décideurs politiques et économiques dans ce domaine, indispensable pour obtenir une acceptation générale.

Notre jeunesse est dans la rue aujourd’hui pour manifester contre l’inaction politique, des initiatives citoyennes émergent de toute part en nous démontrant que d’autres modèles sont possibles, les récentes élections nous indiquent une envie et nécessité de changement.
Nous savons et avons tout pour réussir, il suffit de le vouloir ! Alors, allons-y !

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