Education: essayons d’y voir clair

Si lire était simple, ça se saurait…et notre monde serait différent !

Deux éléments ont été les déclencheurs de ce billet de blog. Le premier émane d’une observation que j’ai faite depuis quelques mois : je m’étonne d’entendre certaines personnes s’alarmer que nombre de nos concitoyennes et concitoyens « n’arrivent pas » (pour reprendre leurs termes) à décortiquer l’information, et, plus encore, le vrai du faux ! Outre cette observation, c’est aussi une discussion avec un ami qui a contribué à faire germer la réflexion : ce dernier s’inquiétait de constater que son père n’était pas à même de distinguer les faits objectifs des thèses complotistes dans le cadre du Covid-19, et que son canal privilégié d’informations était un réseau social bien connu dont la maison-mère a récemment été rebaptisée. Cet ami s’émouvait de voir son père perdre son temps sur des sites « obscurs » pour reprendre ses propos.

Partant de ces deux éléments, je me suis mis à écrire ces quelques lignes avec, je dois vous l’avouer, des doigts quelque peu tremblants au moment de pianoter sur mon clavier : je les anticipe déjà les réactions trop virulentes des personnes qui auront simplement lu le premier paragraphe sans même aller plus loin. Ces réactions font partie du jeu parait-il, allons-y !

Tant l’observation que la discussion m’ont rappelé une chose qu’il est nécessaire de marteler ici : lire une information, la comprendre et poser sur elle un regard critique sont des activités qui font appel à de réelles compétences et ne sont pas des évidences. Je le mentionnais déjà en 2020 dans un autre média, 24% des élèves âgés de 15 ans n’ont pas les compétences minimales à partir desquelles on peut participer effectivement et de façon fructueuse à la vie courante. Si cette définition émane de l’OCDE, et je nous invite ici à dépasser la critique du néo-libéralisme souvent associée à ces organisations, la réalité derrière est glaçante : une partie importante de nos concitoyennes et concitoyens n’a pas les outils, au sortir de l’école obligatoire, pour comprendre un texte que beaucoup d’entre nous décriront comme « simple » tel qu’un formulaire administratif ou un mode d’emploi.

En amont de la capacité à lire se cachent de véritables enjeux sociaux. Béatrice Finet, dans son introduction au numéro Former le lecteur. Des enjeux pédagogiques, sociaux et politiques de la revue Les Sciences de l’éducation – Pour l’Ere nouvelle, affirme très justement que : « Condorcet, dans ses Cinq mémoires sur l’instruction publique, rappelait que la première cause de rapports non démocratiques entre les hommes était due au fait que certains avaient accès au savoir quand d’autres en étaient tenus éloignés et il dénonçait sa confiscation par certains. Il estimait que, pour que l’égalité proclamée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen soit effective, il fallait proposer à tous les citoyens un accès à l’instruction, et permettre, entre autres choses, à tous de savoir lire. »

Plutôt que de porter des jugements hâtifs sur certaines pratiques de lecture ou certains avis, est-ce que nous ne gagnerions pas collectivement à nous interroger sur la capacité de notre système à réellement offrir des outils de compréhension du monde à toutes et tous et, le cas-échant, brûler notre énergie à essayer de trouver des solutions. Répondre à ces problématiques en trouvant des solutions nous permettra sans doute de tendre vers une société plus apaisée ; nous avons tout à gagner. Autrement dit, avant de s’émouvoir de l’incapacité de nos voisines et nos voisins à adopter une posture critique sur l’information, demandons-nous déjà si ces personnes sont capables de comprendre un texte et, dans quelle mesure, le système ne leur octroie pas les outils nécessaires pour entrer dans une pensée complexe. Plutôt que de se fâcher contre votre oncle ou tante au prochain diner de famille, fâchez-vous avez lui ou elle contre un système qui échoue à faire diminuer les inégalités de compétence en lecture.

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