Et si on la réinventait?

L’expérience décevante d’une première fois

Le Temps Julien Rilliet

Le Temps Julien Rilliet

Que se passe-t-il quand une personne décide de s’engager dans un parti politique ? Peu importe celui-ci, la première expérience est souvent décevante et en deçà des attentes. Pour un néophyte, un parti politique n’offre dans les premiers temps qu’une participation très indirecte et lointaine à la chose publique, par les votes internes et la désignation des candidats le plus souvent. Voici un exemple fictif d’une adhésion type dans une section communale d’un grand parti vaudois.

Pour comprendre le processus d’adhésion, rappelons que dans la plupart des cas le nouveau militant se sera inscrit via un formulaire en ligne sur le site d’un parti national ou cantonal. L’information est ensuite transmise à la section cantonale, qui transmet elle-même à la section communale. Impatients s’abstenir, comptez déjà quelques jours ou semaines suivant les sections. C’est seulement une fois que ce processus est terminé que le nouvel inscrit sera invité à participer à la prochaine assemblée du parti. Les séances se tiennent souvent le soir, milice oblige.

Le nouvel adhérent reçoit donc un mail du président de son parti communal avec le lieu et l’heure de la séance. Il se retrouve dans une salle quelconque, parfois même le bistrot du coin. Le président présente rapidement le nouveau membre aux autres militants, qui discutent entre eux et semblent bien se connaître. Dans un groupe, on évoque le dernier Conseil communal et le débat sur un préavis qui a été refusé, dans l’autre on parle des dernières votations. Personne ne lui prête une grande attention. Au bout d’un moment, une quinzaine de militants sont présents et la réunion commence.

La première assemblée

Le président de section prend la parole et ouvre la séance. Après une partie protocolaire parfois très longue (acceptation du dernier procès-verbal avec des remarques pour modifier une virgule, question sur l’ordre du jour, demande d’ajouter un point, etc.) qui éloignent du sujet de fond et sont abstraits pour le nouveau venu, les points politiques sont enfin abordés.

En un instant, notre nouvel adhérent se croirait plongé en plein Conseil communal. Il réalise que plus des trois quarts des membres présents sont des élus communaux, il a donc quelques difficultés à comprendre les débats relativement techniques et à en saisir les enjeux. Pour être honnête, il s’intéresse à la politique mais n’a jamais vraiment creusé la hausse du point communal ou les préavis sur la modification du règlement de l’intercommunale des eaux usées.

Le tractage devant la gare

Au bout d’une heure et demi, le président met un terme aux débats parfois houleux. En effet, l’ambiance est trop souvent gâchée par certaines rivalités personnelles entre militants. Le président aborde maintenant le point « actions à venir » et présente les distributions de tracts et les actions qui se tiendront ces prochaines semaines. Quelques volontaires, souvent les mêmes, se proposent. Ce sera le mardi d’après de 6h30 à 8h00 devant la gare. Le nouvel adhérent veut faire bonne impression et annonce son intention d’y participer.

Sur place, lorsqu’il se retrouve face à l’électeur dans le cadre de ces activités quasi rituelles (ici un tractage matinal devant la gare), l’efficacité même de cette action est remise en cause par un militant présent :

C’est évidemment un peu caricatural mais un point sur lequel les militants s’accordent presque tous : l’expérience d’une « première fois en politique » est décevante.

Un milieu très codifié

D’abord, l’accueil du nouveau militant est faible. Un courriel, rarement un téléphone, et une invitation à la prochaine réunion ou assemblée. Ensuite, le nouveau membre est rapidement perdu dans ce milieu très codifié. On lui explique dans les grandes lignes le fonctionnement du parti à ses différents échelons mais on ne lui demande que rarement ce qu’il est lui-même venu chercher ou ce qu’il souhaiterait faire.

Reste le pouvoir de vote interne qui permet de participer à la désignation des candidats, tant aux élections internes qu’externes. C’est par contre peu fréquent. Cette pauvreté de l’expérience militante signifie que le militant reçoit somme toute très peu en échange de ce qu’il donne, en temps, en énergie et en cotisation annuelle. Dans cet univers relativement ingrat, l’expérience militante comporte pour beaucoup une dimension sacrificielle.

Pour ma part, même si le tableau que je peins est sombre, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui m’ont pris sous leur aile durant mes premiers mois au parti socialiste. Mon initiation fut plus facile que celle décrite ici. Hasard du calendrier, j’ai en plus pu rapidement siéger comme élu, ce qui a facilité de nombreux aspects de mon engagement.

Comment réinventer ces premières fois ?

Comment donc réinventer ces premières expériences ? Rendez-vous dans un prochain article où je développerai les nombreux avantages à rejoindre un parti politique. Et vous ? N’hésitez pas à partager votre expérience dans les commentaires.

N.B. Cette expérience fictive est inspirée de l’excellent livre de Muller, Liégey & Pons : Reconquérir la démocratie sur le terrain.

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