Une Suisse en mouvement

Mettons la participation politique sur de bons rails !

J’ai reçu ce jour un message qui m’a particulièrement touché. Il s’agit de la réponse de mon ami F. suite à l’envoi d’un courrier lui rappelant l’échéance exceptionnelle du 25 novembre et le choix des 130 personnes qui réécriront la Constitution valaisanne. Cet ami m’écrit « Je regrette de ne pas (encore) avoir le droit de vote ». Je suis resté abasourdi. Jamais je n’aurais imaginé qu’il ne possède pas le passeport suisse.

Ce petit message marque un moment fort dans ma campagne pour le 25 novembre. J’hésitais à écrire une prise de position sur le droit de vote des étrangers. Assez de textes écrits sur le sujet, inutile de crisper les citoyennes et citoyens avant même de commencer les travaux.  Pourtant, ce message m’a convaincu de la nécessité de le faire. Pour dénoncer ce scandale au cœur de notre démocratie. Et surtout pour que le débat constitutionnel parte sur de bons rails.

Le point principal de ce débat, c’est justement de le voir comme un débat sur la démocratie. La question posée est simple : qui devrait pouvoir participer aux décisions communes ? Tous les résident-es qui seront soumis aux règles décidées en commun. C’est le cœur de la démocratie : des individus libres et égaux décident ensemble des règles qui vont s’appliquer à tout un chacun. Si certains décident et que d’autres subissent, nous avons affaire à un déni de démocratie. Les femmes n’ont pas participé à l’écriture de la Constitution de 1907 ? Déni de démocratie. Les étrangers n’ont pas de droits politiques ? Déni de démocratie.

La participation politique n’est pas affaire de passeport suisse. Il faut radicalement séparer nationalité et participation politique. Ces deux-là sont de faux amis, unis par la contingence historique. Ils peuvent et doivent être distingués. D’un coté, la démocratie comme outil d’organisation de la société, de l’autre coté la nationalité et son passeport comme lien particulièrement fort entre un individu et sa communauté politique. Les principes de résidence, de participation à la vie en société, de soumission aux règles communes fondent la démocratie. Aucun de ces principes n’est lié à la nationalité. A la lumière de cette distinction essentielle, on voit mieux pourquoi il est faux de dire que les gens qui veulent voter doivent d’abord se naturaliser. Les deux éléments renvoient à des principes très différents. Si on sépare les deux, il apparait clairement que les droits politiques peuvent être donnés indépendamment de la nationalité. Sans risque aucun, mais avec un gain de justice immense.

Ce n’est que dans un deuxième temps que les droits politiques sont une question d’intégration. Et là aussi, il faut renverser l’idée saugrenue selon laquelle les droits politiques seraient la récompense d’une intégration réussie. Tout à l’inverse, les droits politiques sont un précieux outil d’intégration. Ils doivent être accordés dès que la personne possède les compétences d’être un participant à la vie publique (compréhension de la langue et des règles du système démocratique). Nous avons tous, collectivement, intérêt à donner un fort message de reconnaissance et d’égalité. Ceux qui partagent notre vie en société doivent être traités comme des égaux. Ils paient leurs impôts, respectent les règles et doivent logiquement avoir leur mot à dire. Donner le droit de participer plutôt qu’exclure artificiellement rapporte donc à toute la société.

Puisse la Constituante travailler sur ces bases solides : a) traiter la participation politique comme une question au cœur de la démocratie, b) séparer la participation politique de la nationalité, c) inverser la logique de « récompense » pour reconnaître le potentiel des droits politiques comme outil d’intégration. J’espère que dans 4 ans, je pourrai écrire avec fierté à mon ami pour lui dire : « nous avons amélioré notre démocratie, tu en fais maintenant partie. »

Pour en savoir plus sur la position de certains philosophes sur cette question, « Repenser l’immigration : une boussole éthique », PPUR, p. 132ff.

 

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