J’ai rejoint Facebook il y a un mois. Et voilà qu’aujourd’hui FB fête ses dix ans. Mon ami Fred s’amuse à spéculer qu’au moment où je rejoins une nouvelle technologie, c’est que celle-ci s’apprête à mourir. Mon inscription à Facebook est donc le signe du déclin. Pour Fred, une seule conclusion s’impose: vendre ses actions et chercher un investissement promis à un avenir plus radieux. Chers lecteurs, je laisse à votre bon jugement la qualité de cette décision.
Au moment de faire mes premiers pas sur le réseau, j’ai eu l’impression d’entrer dans un café peuplé de vieux amis. Ils étaient comme attablés autour d’un apéro bien entamé, la conversation joyeuse et animée. Plus loin, au bar, je distinguais les personnages qui font le décor de notre quotidien. Ces personnes qu’on salue au détour d’une rue sans toujours connaître leur nom. Tout ce petit monde était réuni dans mon café FB: bel accueil.
A mon appel à l’amitié électronique, une dizaine d’ «amis» a répondu «Toi ici?» La remarque dénotait l’existence presque géographique de Facebook, un lieu où l’on se rend et l’on s’assied avec des amis autour d’un verre. Mais la remarque dénotait aussi la surprise. A raison, vu la relation compliquée que j’ai longtemps entretenue avec le réseau. J’ai tout d’abord passé du pseudo-rebelle aux grands principes – l’amitié réelle et tangible ou rien – à un refus pragmatique. Trop chronophage, trop futile, allons plutôt manger ensemble à l’occasion. Mes amis me trouvaient «pénible», il fallait écrire un mail d’invitation supplémentaire ou, pire, téléphoner.
Je ne sais pas si la troisième étape de cette relation peut se résumer dans une formule percutante: le suiveur. En tous les cas, mes amis ont réagi sur le mode du «ah je le savais», comme si la pression exercée faisait céder toutes les digues. Quant à moi, j’essaie de me persuader que j’ai ouvert un compte pour mieux communiquer avec mes connaissances, mais en tous les cas pas par suivisme.
Après un mois d’utilisation, je continuer à trouver cet univers virtuel fascinant. Mon analyse ne brille pas par son originalité et elle répète des lieux communs qu’il faut avoir expérimentés soi-même pour bien comprendre. Facebook est le lieu de la mise en scène d’une vie qu’on rêve, ou qu’on aimerait que les autres rêvent pour nous. Une étrange surface de projection où tout le monde est beau et bien portant, les mariages heureux et les enfants trop mignons. Le tout sur fond de souhaits d’anniversaire entièrement téléguidés et presque composés par Mark Zuckerberg lui-même, un ami qui nous veut du bien.
Je ne sais pas si Facebook va bientôt péricliter, je ne sais pas si ce sera à cause de moi. Encouragés par ce premier pas numérique, mes amis m’invitent maintenant à ouvrir un compte twitter et à poster mes photos sur instagram. Pas question: on ne peut pas dire quelque chose d’intelligent en 140 caractères, question de principes! Méfiance toutefois, j’écrirai peut-être bientôt le contraire. Il sera alors temps de vendre vos parts.
