Une Suisse en mouvement

Partenariats migratoires: et si le piège se refermait sur la Suisse?

Je fais le pari que certains parlementaires fédéraux rêvent de partenariats migratoires. Ces derniers sont censés permettre à la Suisse de renvoyer les immigrants indésirables, d’encourager le développement économique et social des pays partenaires et de surmonter de graves problèmes de coordination. Le tout pour un prix raisonnable, à savoir quelques offres de formation et places de travail. Dans le langage des spécialistes, ce Graal s’appelle une situation « win-win-win ».

Le dernier papier de discussion du foraus – Forum de politique étrangère remet profondément en question cette lecture positive. On connaissait déjà les tensions importantes que comporte la coopération avec certains Etats peu « regardants ». En effet, comment justifier que la Suisse conseille les forces de police chargées de surveiller les frontières dans des Etats ne respectant pas certains droits fondamentaux ? Le partenariat migratoire peut rapidement se transformer en pacte avec des forces obscures.

La dernière analyse du foraus met en lumière un aspect peu discuté des partenariats migratoires : l’engrenage négatif qu’ils pourraient représenter pour la Suisse. Du point de vue de la dynamique de négociation, la Suisse part en effet avec une position pour le moins inconfortable. En politique intérieure, la pression grandit chaque jour sur deux fronts : renvoyer le plus rapidement possible les requérants d’asile déboutés et limiter au minimum l’immigration économique hors-UE. Avec ces deux contraintes, la Suisse perd toute chance de négocier un partenariat intéressant. En effet, elle ne peut offrir à son partenaire aucune contrepartie intéressante (c’est-à-dire des opportunités d’immigration légale à des fins professionnelles). Par contre, le partenaire peut exploiter la faiblesse suisse en faisant monter les enchères pour reprendre ses ressortissants. En théorie de négociation, on appelle cela une position perdante. En politique migratoire, un échec programmé.   

Il serait toutefois faux de nier le potentiel des partenariats migratoires, à condition toutefois qu’ils deviennent de véritables partenariats et non des accords de réadmission à peine emballés. Afin que ces partenariats n’aient pas pour effet d’institutionnaliser la dépendance suisse vis-à-vis des Etats d’origine,  la Suisse doit accepter d’entrer en matière sur la question de l’immigration légale. De plus, en politique interne, il faut parvenir à orienter le débat sur des dimensions autrement plus fondamentales que le renvoi. Les dimensions démographiques – la Suisse manquera bientôt de bras ! – et de développement – comment organiser les flux migratoires afin de favoriser un développement harmonieux ? – devraient ici être au cœur de nos réflexions.

L’instrument des partenariats migratoires dans la politique migratoire : un changement de paradigme dans le traitement des questions migratoires ? – Gabriela Medici, Stefan Schlegel, Anna Stünzi – foraus Forum de politique étrangère.

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