La fabrique du corps humain

Un avortement de confort… pour qui ?

C’est une petite phrase cueillie dans le commentaire d’un article en ligne : « Je suis contre les avortements de confort, du genre je fais la fête, je m’en fous de tout, et après je vais me faire avorter »[i]. À croire ce lecteur, certaines femmes se feraient avorter comme d’autres se font vomir après une bonne cuite. Le commentaire est écœurant et méprise toute la souffrance physique et psychologique endurée par les femmes concernées. Il illustre par contre une idée partagée par beaucoup d’hommes : les grossesses non désirées trahiraient toujours une part d’irresponsabilité féminine. Curieusement, l’homme n’est jamais taxé d’irresponsable. Comme si l’absence d’utérus était un parfait alibi.

L’insoutenable légèreté de la contraception masculine

L’homme est pourtant doté de tout ce qu’il faut pour user des moyens de contraceptions. Curieusement, cette dernière reste encore une prérogative féminine (pilule, stérilet, dérivatifs hormonaux). Ce sont les femmes qui doivent assumer les coûts des différentes méthodes, leur prise régulière et les effets indésirables, allant des simples céphalées aux embolies pulmonaires potentiellement mortelles. En comparaison, les méthodes de contraceptions masculines sont généralement bon marché et grevées de très peu d’effets indésirables, y compris la vasectomie.

Certains hommes participent avec bonne volonté aux efforts de contraception, d’autres avec un peu plus de légèreté. Car quand la méthode échoue – aucune n’est fiable à 100% – l’homme peut toujours s’appuyer sur la femme pour prendre la pilule du lendemain. Bien sûr, l’amant peut se montrer solidaire, l’accompagner à la pharmacie, chez le gynécologue, l’écouter et la soutenir dans sa décision, mais ce sera toujours un choix. Son corps et sa position sociale ne l’obligent en rien. La femme, elle, n’a pas de choix. Elle ne peut pas dire à l’homme : « c’est ton sperme, t’avais qu’à pas faire le con, garde l’enfant et occupe-t’en ! ».

De géniteur à juge

S’il se soustrait à son devoir de géniteur, l’homme continue à prendre une place prépondérante dans les débats sur l’avortement. Surreprésenté dans les milieux politiques et judiciaires, il tente dans plusieurs pays de restreindre le droit des femmes à disposer de leurs corps. Et dans l’anonymat d’internet, beaucoup se laissent aller avec courage aux diatribes contre l’avortement de confort.

Alors, dites-moi un peu qui est irresponsable !

 

[i] https://www.lematin.ch/comment/233080407897

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