Œil vert, regard libéral

Faut-il crier? Ou faut-il hurler?

Les uns crient au scandale de l’inaction politique. Les autres hurlent leur refus d’actions qui cassent les codes et défient les lois. Le débat de forme est tel que le fonds disparaît. Pourtant, nous vivons les dernières heures pour qu’émerge une nouvelle société, avant que l’humanité ne soit définitivement appelée à disparaître progressivement. Tic tac, tic tac.

 

Le 14 avril 2022, neuf militants du mouvement Renovate Switzerland bloquent le pont du Mont-Blanc, en se collant les mains au bitume. Il aura fallu plus de deux heures pour les décoller. Avec un trafic particulièrement perturbé. Ce qui correspond à l’objectif visé : susciter un blocage massif dans l’hypercentre pour faire réfléchir sur l’impact d’une surconsommation de mobilité individuelle.

Le 29 mai 2022, la Joconde est entartée par un visiteur, qui appelle à ce qu’on se préoccupe davantage de la planète, après avoir tenté de briser la vitre de protection. Son message, repris plusieurs fois depuis, est de crier le déséquilibre entre un intérêt disproportionné pour des œuvres historiques, mortes, et un désintérêt tout aussi disproportionné pour une planète indispensable à l’homme, (encore) vivante.

Le 22 juin 2022, des activistes attaquent le bitume à coup de marteau-piqueur dans la désormais célèbre affaire du dégrappage. Leur objectif : sensibiliser la population au manque d’action, dans un quartier ultra-bétonné, où la végétation brille par son absence.

 

Le monde a besoin d’électrochocs

Ces trois exemples ont un point commun essentiel : les jeunes générations en ont ras-le-bol de ne pas être (suffisamment) entendues. Elles inventent des nouvelles formes de communication pour faire réagir. Elles imaginent de nouveaux moyens d’entrer dans le débat politique, avec l’espoir de secouer le statu quo et de faire avancer les mentalités.

Car il est un constat indéniable qui milite en faveur d’une meilleure acceptation de ces actions-choc : notre monde a lamentablement échoué dans la préservation de la planète qui nous héberge.

Nous vivons les dernières années avant qu’il ne soit trop tard pour pérenniser la vie sur Terre. Et nous les gaspillons à devoir encore et toujours justifier telle action, combattre telle injustice, défier telle ineptie. Alors qu’il reste tant à faire pour rattraper le retard pris ces dernières décennies perdues à encenser énergies fossiles, plastique et autres produits nocifs, et à traiter la planète comme une poubelle.

Aussi, il ne faut pas s’étonner que certaines personnes fassent preuve d’ingéniosité pour combattre l’inaction de notre époque.

 

Un nouveau paradigme

Albert Einstein disait : “Nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée qui a conduit à les créer”. Ce qui peut paraître une évidence nécessite qu’on se le rappelle.

Nous sommes tous et toutes la tête dans l’eau, à deux doigts de l’asphyxie, à chercher le chemin vers la surface, vers l’oxygène. Dans ce même temps, nous nous perdons en chemin, car nous restons figés dans un moule, à vouloir respecter tel règlement, telle loi, telle tradition. Et cet aveuglement nous empêche de réaliser qu’il faut souvent sortir d’un mode de pensée pour entrevoir un début de solution. Et que rares sont les situations où il est de bon ton de continuer une façon de faire “parce qu’on a toujours fait comme ça”.

Notre monde a besoin d’être secoué. Nous avons tous et toutes besoin de nous remettre en question, régulièrement, sur ce sujet comme sur d’autres.

Et force est de constater qu’en 2022, il faut encore bien du courage et de la résilience pour oser affirmer une idée qui navigue dans le sens contraire du courant.

 

Crieurs contre hurleurs

L’incompréhension entre crieurs et hurleurs constitue une nouvelle forme de clivage dans notre société, déjà gangrénée par des combats d’ego entre les fronts politiques de gauche et de droite. C’est en quelque sorte la lutte des classes des temps modernes.

Pour ma part, et même si je soutiens ce triste constat, j’ai aussi un peu de peine à voir ces nouvelles attitudes émerger. Notre société a fixé des règles et un cadre clair, pour justement éviter toute forme de débordement. Et c’est un peu simple de crier contre l’establishment politique, alors que toute personne peut le changer de l’intérieur, peut agir avec respect et courtoisie.

Pour autant, je comprends le désarroi de ces personnes. Et je regrette l’acharnement des hurleurs à vouloir combattre la forme au-delà de toute considération pour le fond.

Car dans ce clivage où crieurs et hurleurs ne se comprennent plus, la seule victime collatérale reste encore et toujours l’humanité sur Terre. Ne perdons pas de vue que c’est l’inaction politique de notre époque qui est le véritable scandale. Un scandale particulièrement inacceptable lorsqu’on pense à tout ce que les leaders d’aujourd’hui ont osé entreprendre pour contrer la pandémie de Covid-19 et dont ils semblent incapables face à l’urgence climatique.

Pour conclure, je citerais un ami socialiste qui récemment disait “Pour la crise sanitaire, on n’avait pas de médicament, on n’avait pas de vaccin. Pour la crise climatique, on a les médicaments, on a les vaccins, on sait faire… On a les moyens de le faire, on a le devoir de le faire !”

(En illustration, une image datant du début de la pandémie, que j’avais trouvé absolument criante de lucidité)

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