Piqûres de rappel

Ni Versailles ni Munich : mais quelle paix pour l’Ukraine?

Trois mois se sont écoulés depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Si l’héroïque résistance ukrainienne a sans nul doute infligé une défaite stratégique aux ambitions impérialistes poutiniennes, il n’en demeure pas moins que ce conflit absurde ne génère que des perdants. En premier lieu, bien évidemment, l’Ukraine et sa population payent le plus lourd tribut de cette guerre, celui du sang versé sous les coups de l’envahisseur. Les pertes civiles sont effrayantes, tout comme le niveau de destruction des villes sous le feu des forces russes ! Dans la liste des autres perdants, viennent ensuite pêle-mêle, l’Europe, les pays en développement, l’économie mondiale, le peuple russe, le respect du droit humanitaire et j’en passe.

Selon les experts (combien de fois se sont-ils déjà fourvoyés?), cette guerre est faite pour durer. Mais pour combien de temps encore, les Ukrainiens, malgré leur vaillance, pourront-ils repousser vague après vague les envahisseurs d’une armée qui possède un capital humain inépuisable, une puissance de feu illimitée et qui s’embarrasse peu de considérations humanitaires ?

L’écroulement des forces russes en Ukraine et l’organisation d’un coup au Kremlin sont à ranger dans les tiroirs déjà bien remplis des vœux pieux

Si l’écroulement des forces russes en Ukraine et l’organisation d’un coup au Kremlin sont à ranger dans les tiroirs, déjà bien remplis, des vœux pieux, il ne reste plus qu’une négociation pour mettre fin au conflit, une négociation encouragée par les Puissances qui soutiennent directement ou indirectement les belligérants. Encore faut-il une volonté de la part de ces derniers pour la faire aboutir en commençant par l’imposition d’un cessez-le-feu. Malheureusement, nous en sommes loin. Pour ne rien arranger, quand l’agresseur est un membre permanent du Conseil de sécurité, le système de veto paralyse les mécanismes de paix onusiens, comme ce fut le cas lors de l’invasion américaine en Iraq.

L’Histoire récente peut-elle nous fournir quelques pistes quant à un possible scénario de désescalade, de cessez-le-feu et de retour à une paix durable?

L’Histoire récente peut-elle nous fournir quelques pistes quant à un possible scénario de désescalade, de cessez-le-feu et de retour à une paix durable?

Éviter d’humilier les Russes, comme évoqué par le président Macron en référence au traité de Versailles de 1919, me semble hors de propos, puisque un tel scénario présuppose une défaite militaire et un écroulement économique russes hautement improbables.

Un accord sanctionnant les conquêtes territoriales russes contre une garantie de non-expansion ultérieure, nous renverrait aux accords de Munich en 1938 qui n’ont pas mis un frein aux appétits de conquêtes de Hitler. Il n’est donc pas souhaitable.

D’autres modèles? L’armistice de Corée, signé en 1953 entre les Nations unies d’une part, la Chine et la Corée du Nord d’autre part, a effectivement mis fin aux hostilités, mais n’a pas été suivi par un traité de paix. Les négociations durèrent deux ans. Septante années plus tard, les tensions demeurent toujours très vives dans la péninsule coréenne.

Les accords de paix de Paris signés en janvier 1973, négociés pendant cinq ans, mirent formellement fin aux hostilités entre les États-Unis et le Vietnam du Nord. Ils n’empêchèrent pas une déroute des forces sud-vietnamiennes, la chute de Saigon et le départ précipité des Américains en avril 1975.

Le conflit en Bosnie-Herzégovine qui débuta en 1992 prit fin avec les accords de Dayton, signés à Paris en décembre 1995. Il sanctionna une partition du pays entre la fédération de Bosnie-Herzégovine, croato-bosniaque, et la République serbe de Bosnie. La gestion extrêmement complexe des relations entre les différentes entités sous l’autorité du Haut Représentant international en Bosnie-Herzégovine rend ce pays instable et la tentation d’une sécession serbe demeure toujours vivace.

Et les accords de Minsk? Serait-il possible d’envisager un Minsk III? Y aurait-il des raisons de croire que cette fois-ci ça pourrait marcher avec un peu de bonne volonté et beaucoup de pressions politiques? Difficile de l’imaginer.

Serait-il souhaitable de geler l’élargissement de l’OTAN, y compris en Suède et Finlande, contre un retrait des troupes russes et un statut de neutralité pour l’Ukraine? L’expansion de l’OTAN est-elle l’unique cause de l’intervention russe?

Les accords de paix se négocient sur le long terme

Beaucoup de questions, peu de certitudes, si ce n’est que les accords de paix se négocient sur le long terme. Les semaines à venir s’annoncent capitales. Désir d’empire contre désir d’Europe; qui va l’emporter? À qui profitera le facteur temps? Qui pourra soutenir les sanctions et leur imposition sur le long terme? La réponse déterminera notre futur pour les décennies à venir.

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