Piqûres de rappel

Cause de la guerre en Ukraine : Lénine plutôt que l’OTAN ?

Depuis quelques semaines, nombreux sont celles et ceux qui nous expliquent doctement devoir imputer le martyre du peuple ukrainien à la politique agressive d’extension vers l’Est de l’OTAN. Pour éviter tout problème, il suffisait à l’Occident de respecter les sphères d’influence issues de la Conférence de Yalta, ignorant le désir des pays candidats à l’adhésion d’échapper une fois pour toute à l’hégémonie d’un empire tsaro-soviétique.

Pourquoi Poutine a-t-il pris la décision d’envahir l’Ukraine maintenant et non lorsque l’OTAN était affaiblie par un leadership américain erratique ?

Il va de soi que l’OTAN et l’Europe ont commis de lourdes erreurs depuis la dissolution de l’URSS, en particulier au moment de la crise en Yougoslavie, mais cela justifie-t-il une invasion brutale de l’Ukraine, alors qu’une adhésion de ce pays à l’OTAN n’était pas à l’ordre du jour et qu’aucun dirigent occidental sensé ne songeait à menacer la Russie ? Pourquoi Poutine a-t-il pris la décision d’envahir l’Ukraine maintenant et non lorsque l’OTAN était affaiblie par un leadership américain erratique ? L’arrivée d’un nouveau chancelier en Allemagne, la débâcle américaine en Afghanistan ou les prochaines élections en France ne pouvent expliquer la décision fatale d’un homme enfermé dans sa forteresse moscovite et ses délires impérialistes. Pour répondre à cette interrogation, peut-être vaudrait-il la peine de se rapporter à la proclamation de l’URSS il y a cent ans, plus exactement le 30 décembre 1922. En créant une fédération de républiques autonomes socialistes issues de l’éclatement de l’empire tsariste, Lénine voulait combattre le chauvinisme grand-russien. Finalement, Staline réussit à imposer une conception plus centralisatrice, qui a prévalu jusqu’en 1991, mais a conservé l’existence formelle des républiques soviétiques.

Poutine a qualifié la création par Lénine d’une république d’Ukraine comme une erreur historique

Lors de son glaçant discours avant l’invasion, Poutine avait qualifié la création par Lénine d’une république d’Ukraine comme une erreur historique. Malgré une patiente stratégie de reconquête multiforme avec la vassalisation de la Biélorussie, l’envoi de troupes russes au Kazakhstan, en Arménie et en Transnistrie, l’invasion partielle de la Géorgie, il manquait encore l’Ukraine, joyau de toutes les Russies, pour effacer une fois pour toutes l’erreur commise par Lénine en 1922. Cette Ukraine se refusait obstinément à rejoindre le giron poutinien. L’occupation totale de la Crimée et celle partielle du Donbass ne suffisait plus. Il fallait donc envahir l’Ukraine, pour qu’un siècle après la fondation de l’URSS et l’erreur de Lénine, Poutine puisse passer à l’Histoire comme le restaurateur de la Grande Russie. Une telle vision laisserait dès lors peu de d’espace pour une paix négociée.

La charte des Nations Unies est impuissante à prévenir des conflits initiés par des membres permanents du Conseil de sécurité

Comment Poutine pourrait-il accepter de restituer les territoires conquis (surtout ceux reliant le Donbass à la Crimée) ? Quelles assurances obtenir d’une Russie qui avait déjà garanti l’intégrité du territoire ukrainien en signant le mémorandum de Budapest en 1994 ? L’article 2 stipulait pourtant : La Fédération de Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis réaffirment leur obligation de s’abstenir de la menace ou de l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance de l’Ukraine et qu’aucune de leurs armes ne sera jamais utilisée contre l’Ukraine, sauf en cas de légitime défense ou en conformité avec la Charte des Nations Unies. (Malheureusement la charte des Nations Unies est impuissante à prévenir des conflits initiés par des membres permanents du Conseil de sécurité, comme elle le fut lors des bombardements de l’OTAN sur la Serbie ou de l’invasion de l’Irak par les Américains.) Comment éviter d’ultérieures invasions ?

Les diplomates auront donc du pain sur la planche. Une neutralisation de l’Ukraine pourrait être une condition nécessaire, mais non suffisante pour mettre fin au conflit actuel. Tout accord futur ferait bien de ne pas s’inspirer de celui de Munich en 1938.

 

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