Piqûres de rappel

Trump et Mussolini : une comparaison pertinente ?

Trump et Mussolini : une comparaison pertinente ?

Il existe de nombreux points communs entre les deux hommes, à commencer par leur signature, pareille à l’électrocardiogramme d’un cœur en fibrillation. Les deux aimaient haranguer les foules, prenant des postures similaires, le menton tendu vers l’avant. En réunions officielles, ils toisaient leurs interlocuteurs d’un regard hautain, dénotant une écoute limitée. Souffrant d’un même narcissisme pathologique, les deux assuraient se fier principalement à leur instinct, ce qui compliquait singulièrement toute tentative de les conseiller, a fortiori de les contredire.

Les deux affichaient un souverain mépris pour le multilatéralisme

Ils partageaient également une vision solitaire de l’exercice du pouvoir, un attrait pour les autocrates et un dédain pour les démocraties. Ils se voyaient restaurer la grandeur du pays prétendument dilapidée par une classe politique ploutocrate. Ils ne se mettaient pas au service de leur parti, mais exigeaient de celui-ci une soumission absolue. Les deux affichaient un souverain mépris pour le multilatéralisme qui entravait leur action. L’Italie fasciste est sortie de la Société des Nations. S’il avait pu, Donald Trump aurait quitté l’ONU.

Enfin, dernière analogie, mais pas la moindre, en octobre 1922, les Chemises noires avaient marché sur Rome pour exiger un pouvoir que le roi finit par concéder à Mussolini. Près d’un siècle plus tard, les fidèles partisans de Trump ont, eux, convergé vers Washington et envahi le Capitole dans une ultime tentative de renverser un scrutin défavorable au président sortant. Les institutions américaines ont été ébranlées, mais elles ont tenu. La démocratie n’a survécu que grâce à la probité d’une poignée d’officiels locaux républicains qui se sont refusés à altérer le décompte des voix dans quelques États clés.

Tout cela fait-il de Trump un dictateur à l’égal du Duce ? Évidemment non. Même si son comportement impérieux a profondément clivé le pays, contrairement au Duce il n’a pas éliminé physiquement ses adversaires ou envoyé ses opposants à l’exil interne, il n’a pas décrété la dissolution des partis politiques ou instauré la censure, il n’a pas créé de tribunaux spéciaux ou déclaré de guerres internationales. Trump a toutefois tenté de saper certains fondements de la démocratie en remettant en question le verdict des urnes, en ignorant les institutions, ou en pratiquant un népotisme sans fard.

Il existe une version 2.0 des intimidations fascistes sur les réseaux sociaux

Dès lors, un variant du fascisme a-t-il pris racine aux États-Unis ? Trump a-t-il  contaminé la vie politique ? Assurément. Peut-être que la souche américaine est moins virulente que l’italienne, mais elle se révèle insidieuse et contagieuse. L’attrait pour l’homme fort qui préserve le peuple des institutions nationales ou supranationales corrompues ne disparaîtra de si tôt. Bien au contraire ! Il existe une version 2.0 des intimidations fascistes, celles des propos haineux et des menaces proférées sur les réseaux sociaux.

Dans un tel contexte, indépendemment de la justesse ou non de leurs vues, il convient de rappeler avec force, qu’une fois arrivés au pouvoir, les autocrates le quittent rarement de leur plein gré. Ils sont prêts à pratiquer la politique de la terre brûlée plutôt que de tirer leur révérence. Pour en revenir à Mussolini, il a connu une fin peu glorieuse. Il avait pourtant l’Italie à ses pieds, mais son ego hypertrophié l’a mise à genou.

Make Italy great again

S’ils avaient été contemporains, les deux hommes auraient développé certaines affinités. Dans sa quête de gloire, Mussolini voulait restaurer la grandeur impériale romaine pour son Italie fasciste Trump aurait pu alors lui suggérer : make Italy great again. En contrepartie, après la défaite électorale du président américain, le Duce lui aurait certainement conseillé de dénoncer une victoire mutilée .[1].

 

[1] La Conférence de paix en 1919 n’avait pas attribué à l’Italie tous les territoires qu’elle estimait lui revenir après sa victoire contre les Austro-Hongrois, provoquant la furie des irrédentiste italiens. Ainsi naquit l’expression “victoire mutilée“, utilisée  par les fascistes dans une surenchère nationaliste pour dénoncer leurs anciens alliés franco-britanniques, quitter la Société des Nations et justifier leurs conquêtes impérialistes.

 

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