Le temps des réfugiés

Le sauvetage en Méditerranée doit primer sur toutes autres considérations

Né à Paris le 22 mai 1924, Charles Aznavour est décédé hier 1er octobre à l’âge de 94 ans. Il était fils de réfugiés arméniens forcés de fuir la Géorgie. Ils sont arrivés en France par bateau où ils ont eu le droit de débarquer. Ses parents souhaitaient aller aux Etats-Unis  mais la réduction des quotas de réinstallation en 1925 les ont amenés à choisir la France. Le monde pleure ce grand artiste, chanteur, acteur, compositeur adulé et respecté. Mais aujourd’hui, le contexte politique sécuritaire n’aurait pas permis un tel débarquement en France et c’est bien dommage.

L’Aquarius, le navire de sauvetage affrété depuis 2016 par l’association SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins sans frontières (MSF) a été retiré du registre du Panama suite aux pressions de l’Italie(1). Le navire doit donc suspendre sa mission de sauvetage et c’est une tragédie pour ceux qui en souffriront et pour l’Europe qui piétine ses valeurs fondamentales permettant son rayonnement extraordinaire depuis plus de 60 ans.

Et pourtant, dimanche dernier 30 septembre 2018, plusieurs pays ont choisi la seule voie idéale, celle de se répartir équitablement les 58 survivants d’une traversée dangereuse. Sept familles, dont de jeunes enfants ont eu l’autorisation après une semaine d’attente en mer de débarquer à Malte.  Elles ont bénéficié d’un “Accord de répartition solidaire” entre l’Allemagne, la France, l’Espagne et le Portugal.

L’Aquarius était le seul navire civil de sauvetage en mer Méditerranée centrale. Il se dirige maintenant vers le port de Marseille où il devra rester à quai jusqu’à l’obtention d’un nouveau pavillon, tâche qui appartient à l’armateur, la société allemande Jasmund Shipping.

 

Mobilisons nous pour garantir le sauvetage en Méditerranée

 

SOS MEDITERRANEE et MSF viennent de lancer une pétition ” Sauvons l’Aquarius et le sauvetage en mer ” pour demander aux gouvernements européens de prendre toutes les mesures pour que le navire humanitaire puisse reprendre sa mission de sauvetage le plus rapidement possible, pour faire respecter le devoir d’assistance aux personnes en détresse en mer, et enfin pour établir un véritable modèle de sauvetage en Méditerranée.

J’ai signé cette pétition et je vous invite à le faire. Je salue aussi l’initiative des conseillers nationaux, Ada Marra (PS/VD), Kurt Fluri (PLR/SO) et Guillaume Barazzone (PDC/GE) qui ont déposé une interpellation afin que soit accordé pavillon helvétique à l’Aquarius, une très belle et bonne idée. Et enfin je salue l’initiative d’ Aline Trede (Verts/BE) qui a aussi déposé une interpellation.

 

Sauver des vies humaines c’est la responsabilité collective des Etats européens

 

Il n’est pas question d’appel d’air mais de sauver les vies de victimes de traites en Libye enfermés et abusés par des marchands de chaire humaine étroitement liés aux autorités libyennes selon le tout récent Rapport final du Groupe d’experts sur la Libye du Conseil de sécurité  de l’ONU (2). D’autres organisations comme le CICR et le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) ont constaté la gravité de la situation (3) et demandent aux Etats européens de ne jamais refouler vers la Libye et de prendre leurs responsabilités envers les migrants traversant la Méditerranée.

 

Les dernières statistiques sont flagrantes. Alors que les traversées ont nettement diminué en 2018, le nombre de mort à proportionnellement explosé surtout lorsque les navires humanitaires étaient forcés à quai par les autorités italiennes et maltaises durant l’été. Septembre est le mois le plus meurtrier, 19% de personnes qui ont fait la traversée ont disparu en mer. Les gouvernements européens en sont responsable et il n’est pas question ici de jeter la pierre à l’Italie ou à Malte qui ont supporté trop longtemps la charge de l’accueil en Europe.

D’ailleurs, le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) vient de lancer un appel aux gouvernements européens demandant la mise en œuvre de mécanismes prévisibles en Méditerranée pour le débarquement de personnes secourues en mer. Pour le HCR les gouvernements européens “doivent accroître les capacités de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale et laisser aux ONG la possibilité de contribuer de manière coordonnée à ces efforts.” Le HCR estime que les Etats européens ont la responsabilité collective de sauver des vies humaines.  

 

Plus de bateau de sauvetage mais un bateau pour témoigner

 

“L’Aquarius restera à quai à Marseille jusqu’à l’obtention d’un nouveau pavillon. D’ici là il est important que l’Astral, navire de l’organisation espagnol Pro Activa puisse être dans la zone de recherche et de sauvetage (SAR) pour témoigner et surveiller ce qui s’y passe” m’explique Julie Melichar en charge de la communication à SOS MEDITERRANEE Suisse.

L’Astral est un voilier à deux mâts de taille moyenne et n’est pas équipé pour accueillir des rescapés à bord.Mais l’équipe à bord a ce qu’il faut pour filmer un naufrage en live et pour rendre compte de ce qui se passe dans la zone. Car l’Europe a certainement besoin d’un choc visuel.

Ainsi, lorsque dans les prochains jours, des enfants, des femmes et des hommes seront en train de se noyer au large de la Libye, de Malte ou de la Sicile, il n’y aura plus que des navires de pêche ou de commerce pour leur venir en aide lorsqu’ils seront repérés.  Et encore ce n’est même pas si sûr. Les derniers témoignages de rescapés indiquent que des navires ont choisi de ne pas leur porter secours (4) violant ainsi plusieurs conventions internationales. Enfin, compter sur les gardes-côte libyens eux-même impliqués dans ce trafic mortel avec les deniers de l’Union européenne est indigne.

Non on ne peut laisser mourir des personnes en mer en espérant que les traversées s’arrêteront, en Libye elles ne contrôlent plus leurs destinées.

Vincent Cochetel du HCR le dit, les efforts de protection et de prévention doivent se faire dans les pays de transit, une fois que les migrants sont en Libye c’est trop tard.  

 

 

 

 

 

 

Je signe la pétition : ☛  https://bit.ly/2DCNiEv

Samedi 6 octobre un grand rassemblement citoyen notamment à Paris, Marseille, Lyon, Nantes, Montpellier, Bordeaux, Grenoble, Brest, Toulouse, Saint Etienne… ☛ https://bit.ly/2NJbtG1

#SaveAquarius #SaveRescueAtSea

 

 

 

  1. Le pavillon de Gibraltar lui a été retiré en août 2018. Le Panama vient d’annoncer qu’il allait sortir l’Aquarius de son registre, le faisant perdre son pavillon. Cela sera effectif lorsque le navire arrivera à Marseille dans les jours à venir. 
  2. Rapport final du Groupe d’experts sur la Libye (créé par la résolution 1973 (2011)) est détaillé. Il dénonce l’activité criminelle des groupes armés affiliés au Gouvernement d’entente nationale ou à l’Armée nationale libyenne qui “tirent un profit considérable de la traite d’êtres humains et du trafic de migrants”. Le rapport confirme que les “réseaux criminels organisent des convois de migrants et se servent de l’exploitation sexuelle pour engranger des revenus considérables.” Il constate aussi “l’impunité accordée en Libye à ceux qui violent systématiquement les droits de l’homme des migrants” et se dit “particulièrement préoccupé de constater que divers groupes armés tentent d’affermir leur légitimité en offrant prétendument un soutien à l’action de lutte contre les migrations irrégulières, ce qui leur vaut l’octroi d’une assistance technique et matérielle de la part d’acteurs étrangers.”
  3. Les informations sur les conditions de détention en Libye du Global Detention Project sont aussi très alarmantes.  La coopération entre l’Union européenne et les autorités libyennes avec l’assistance de l’Organisation internationale des migrations (OIM) est très critiquée. En février dernier le CICR dénonçait clairement les refoulements vers la Libye.
  4. C’est la conséquence des poursuites juridiques engagées depuis quelques années à l’encontre de ceux qui viennent en aide aux migrants. Voir en particulier le rapport de l’Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux, 2014, Criminalization of migrants in an irregular situation and of persons engaging with them. Voir aussi les mesures prises récemment en France, Hongrie, Suisse et en Grèce parmi tant d’autres.

 

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