Une chronique politique sans parti pris

Le devoir de perfection

 

 

Si le droit s’impose à tous, la morale, cette loi non écrite, se prescrit en plus aux élus Pour atteindre au niveau du législatif ou de l’exécutif, il faut remplir certaines conditions objectives : disposer du passeport à couverture rouge ; résider en un lieu adéquat ; n’être pas l’objet de condamnations infamantes. Mais ce n’est pas tout.  Il faut être parfait. Ne jamais laisser apparaître quelque faiblesse que ce soit. Pratiquer une vertu intransigeante pour se conformer à celle des puritains.

On ne peut pas formellement reprocher à un Conseiller fédéral d’entretenir une liaison amoureuse puisque la loi ne l’interdit pas, mais cela a tout de même mauvaise façon et permet de le critiquer. Peu importe qu’il remplisse bien son mandat politique. On se réfère à lui comme s’il devait trouver son plaisir uniquement dans son travail. De même s’il ne contrôle pas strictement ses expressions verbales, il y a lieu de le blâmer et d’attendre des excuses. L’idéal de la fonction consiste à être parfaitement lisse, inodore, incolore, à devenir une abstraction d’être humain.

Le test suprême est l’imposition. S’il s’avère que l’élu pratique l’optimisation fiscale, c’est-ä-dire qu’il installe ses pénates dans un lieu qui ne charge pas trop le bateau, il est soupçonné d’une sorte de fraude. Non pas qu’il n’obéisse pas à la loi, mais qu’il l’utilise et s’en serve. On attend, semble-t-il, d’un élu qu’il observe la rigueur maximale et qu’il recherche fébrilement l’endroit qui l’imposera au maximum. Tout citoyen, en bon père de famille, est justifié d’utiliser la loi pour payer le moins possible. Au contraire l’élu devrait renchérir sur ses exigences et payer une sorte d’impôt compensatoire, pour expier le fait d’être rémunéré par les finances publiques.

Or le fédéralisme a pour conséquence que l’imposition varie de commune en commune et de canton en canton. Cette pratique possède une grande vertu car le contribuable n’est pas livré à une fiscalité nationale. Il a le pouvoir de mettre en concurrence les divers pouvoirs publics. Ceux-ci ont intérêt à modérer le taux d’imposition pour conserver ou attirer les contribuables les plus intéressants. Et pour éviter la surenchère de la concurrence fiscale entre cantons ou communes, une péréquation lisse le paysage. Le système est à la fois efficace et juste.

En revanche, les reproches vertueux ne sont pas sans arrière-pensée. Dans le combat entre partis, il est profitable de faire la morale pour déstabiliser un ou une concurrent(e) qui a trop bien réussi. Les critiques sur la feuille d’impôt émanent surtout de la gauche parce qu’elle fédère des électeurs défavorisés financièrement, qui ne paient pas de contribution du tout et qui considèrent donc le mécanisme fiscal comme un outil de redistribution en leur faveur. L’inégalité sociale leur est insupportable. Dans leur esprit, ceux qui jouissent d’une certaine aisance bénéficient d’une injustice fondée sur leur habileté. Ils maîtrisent trop bien la loi et en tirent tous les avantages qui sont hors de portée des gens simples. La catégorie la plus critiquable est celle des élus d’un autre parti : ils gagnent leur vie avec de l’argent public et ils jouissent d’un certain pouvoir. En démocratie directe, c’est suspect.

 

 

 

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