Une chronique politique sans parti pris

Une publicité en déroute

 

La Poste fait campagne pour inciter à accepter certaines publicités dans les boîtes aux lettres. Le géant jaune mène son offensive contre les autocollants “pas de publicité”, qui nuisent à son chiffre d’affaires. Sur l’ensemble du territoire suisse, 60% des boîtes aux lettres ne veulent pas de prospectus. Dès lors l’entreprise propose depuis 2016 de recevoir seulement certaines publicités. On peut cocher les thèmes qui intéressent : alimentation, animaux, mode, voire les entreprises elles-mêmes autorisées à envoyer de la pub. Car la Poste est un prestataire important de service pour la clientèle commerciale. Près de la moitié de son volume sont des envois non adressés, en grande majorité des publicités.

La Poste subit d’abord la concurrence d’Internet. Si l’on a besoin de quoi que ce soit dont on ne connait pas de fournisseur, l’information est à quelques clics. Elle est transversale et comparative. La publicité postale souffre de l’ambiguïté du concept. Non seulement elle propose des produits ou des prestations, mais elle a aussi pour but de créer ou d’étendre des marchés.

Telle est l’obligation du producteur de biens ou de services. Après avoir consenti un  investissement, il doit s’assurer d’un marché adéquat. Donc investir en publicité, qui doit séduire le consommateur potentiel en le prenant, sinon par l’intérêt et la raison, du moins par les sentiments, les sensations, les sens, en suscitant le désir et l’inscrivant dans l’inconscient. Cette publicité est à la fois indispensable à la survie de l’entreprise, à la préservation des emplois et nuisible à l’exploitation mesurée des ressources de la planète. Elle constitue une des contradictions de notre société : on ne réduira pas les gaz à effet de serre sans maîtriser les incitations à la consommation.

La religion de la consommation constitue l’exorcisme de notre époque, qui ne promet plus le ciel après la mort, mais l’abondance et le bonheur durant cette vie. Mais ce culte est ouvertement décrié par des mouvements d’opinion, comme les partis écologistes. Mettre un autocollant prohibant le dépôt de publicité est du dernier chic.

Consommer oui. Mais quoi. Et puis encore pourquoi ? Qu’est-ce que c’est qu’une société de consommation sinon celle d’un pays hautement développé au point de vue technique, capable de produire tout ce qui est nécessaire aux consommateurs en surabondance. Il n’est pas possible de vendre toujours davantage pour satisfaire les besoins élémentaires – se nourrir, se soigner, se loger, se vêtir, se chauffer, s’éclairer – au-delà de ce que requiert la physiologie. Il faut vendre de l’inutile pour éponger le pouvoir d’achat et créer des emplois. La mode vestimentaire est déjà un artifice pour dépasser ces bornes mais elle patine.

Le citoyen consommateur, surtout s’il vit dans une grande métropole, polluée ne trouve plus que son sort s’améliore au fil des ans. Sa nourriture ne lui procure plus les plaisirs simples de la nourriture traditionnelle et la mode bio a épuisé ses stratagèmes. La télévision diffuse toujours des séries débiles, des jeux crétins et des films usagés, interrompus par des publicités exaspérantes par leur rabâchage. La confection des vêtements est bâclée. On produit beaucoup mais des produits de basse qualité. Le niveau de vie monte apparemment parce que le pouvoir d’achat augmente mais ce que l’on achète ne vaut pas grand-chose et n’a rien à voir avec ce que les produits représentaient jadis.

Si la publicité était vraiment informative et non incitante, elle susciterait peut-être moins de réticence. En ces temps d’économie d’énergie ou de papier, la Poste pourrait entamer une réflexion sur un autre concept, plutôt que de s’en tenir à une formule dont les destinataires veulent de moins en moins.

 

 

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