Une chronique politique sans parti pris

La paix conviviale

 

 

Dans l’évaluation maniaque des équilibres au Conseil fédéral, on s’occupe de la langue, du sexe, du parti, du canton, de la ville ou de la campagne, mais on ne parle plus de religion. Ce n’est pas de la tolérance à vrai dire mais plutôt de l’indifférence. Qu’un conseiller fédéral soit catholique ou protestant, croyant ou incroyant, cela ne signifierait plus grand-chose au niveau politique.

Cela ne fut pas toujours le cas. Le Sonderbund  était une ligue sécessionniste des 7 cantons catholiques conservateurs, qui a menacé la Confédération entre 1845 et 1847.  En 27 jours le Sonderbund, nettement inférieur en hommes et en armes, est vaincu : le coût de ce combat fratricide est de l’ordre de 100 morts, soldats suisses tués par des soldats suisses. En 1848 la première constitution instaure un Etat fédéral et met un terme à l’indépendance quasi totale des cantons suisses. Les Jésuites sont tenus à l’écart de la vie publique, puis leur bannissement du pays sera ordonné par la deuxième constitution de 1874.

Ce passé est révolu et même difficielement compréhensible aujourd’hui Un exemple extrême de réconciliation entre les deux confessions est donné par une fraternité œcuménique apparue tout naturellement dans cette petite commune blottie à Romainmôtier au pied du Jura dès 1972, voici un demi-siècle déjà. Elle a comporté des religieuses catholiques et réformées, des laïcs des deux confessions. Elle a bénéficié de la bienveillance des deux Eglises. L’évêque a fermé les yeux en conseillant simplement de ne lui demander aucune autorisation.

En communion avec les Eglises chrétiennes d’Europe et de Suisse, les membres de la Fraternité de prière œcuménique s’engagent à prier pour l’unité des chrétiens dans l’Eglise de Jésus-Christ. Les offices ont lieu du mardi au samedi. Offices hebdomadaires particuliers :le jeudi soir à  une Eucharistie est célébrée durant l’office.

Comme la Cène ou la messe est célébrée en alternance par un pasteur ou un prêtre, le refus ordinaire de l’intercommunion est spontanément dépassé. Rappelons que les fidèles catholiques sont priés de ne pas participer à la Cène et que les fidèles protestants ne sont pas accueillis officiellement à la communion durant une messe.  Sans s’embarrasser de ces querelles théologiques autour de la présence réelle du Christ dans les espèces consacrées, le réalisme l’emporte à Romainmôtier. Comme on ne peut dans une fraternité vivante se partager selon deux catégories, il est normal de considérer tout pratiquant d’abord comme un chrétien, même s’il est issu de différentes traditions, qui perdent de leurs oppositions dans la vie de tous les jours. D’ailleurs, si l’on réalisait un sondage parmi les chrétiens d’aujourd’hui sur les différents théologiques entre les différentes confessions, on découvrirait une ignorance partagée par tous et une indifférence pour ce débat. L’idée de se battre entre catholiques et protestants apparaitrait perverse et stupide.

Ainsi, dans un village perdu dans la campagne vaudoise s’est établie de fait une communauté œcuménique, que l’on pourrait considérer comme une paroisse de fait. D’ailleurs dans ce pays de Vaud où les deux confessions sont pratiquement à l’égalité numérique et où les pouvoirs publics les rémunèrent à l’identique, il fallait que cela advienne. Lors de maintes célébrations dans ce canton, l’assemblée comporte réformés et catholiques. Chaque fois l’œcuménisme est réalisé de fait sans s’embarrasser de colloques interminables, qui ne déboucheront jamais sur rien par l’inertie des hiérarchies.

(Davantage de détails peuvent être trouvés dans l’ouvrage de Jean-Yves Savoy « Les fraternités œcuméniques de Romainmôtier », Cabédita, 2022.)

Les fractures de la société suisse contemporaine ne se décèlent plus en fonction des confessions mais de « religions » politiques comme l’écologisme et le nationalisme qui sont de véritables sectes avec idéologie obligée jusqu’au ridicule et au déni de réalité. Les premiers sont défenseurs résolus des LGTB qui n’ont rien à voir avec l’écologie, les seconds du nucléaire qui n’a rien à voir avec le patriotisme. On entend parfois au parlement des affirmations sottes du type : « pourquoi les écoles polytechniques fédérales ne dispensent pas des cours de genre ? » ou bien « La Suisse n’a pas besoin de chercheurs étrangers car nous avons les meilleurs scientifiques du monde”. Par suite des ces fractures profondes, il est impossible de définir une politique rationnelle en matière de transition climatique ou de relation avec l’UE. L’inertie politique devient la seule échappatoire helvétique.

Or ces mêmes opposants se retrouvent inévitablement dans des manifestations parlementaires de type festif, sportif ou culturel où chacun peut sympathiser avec l’adversaire de tout à l’heure. On rencontre alors la véritable nature des individus et d’un peuple. Ce qui les unit est plus fort que ce qui les sépare. Nos interlocuteurs les plus intéressants sont ceux qui nous sont les plus opposés car ils révèlent la fragilité des opinions individuelles. la présence de préjugés, l’absence de réflexion. Sous la comédie politique se cache un amour mutuel.

Heureuse fête de Noël!

 

 

 

Quitter la version mobile