Une chronique politique sans parti pris

Comment et pourquoi se défendre dans un monde dangereux ?

 

 

« Le budget de l’armée suisse devrait être musclé rapidement. Le Conseil national a soutenu par 111 voix contre 79 une motion visant à l’augmenter progressivement dès l’an prochain. Objectif: passer de 5 à 7 milliards de francs d’ici à 2030. »

Ce vote, influencé par la guerre actuelle, a été acquis droite et Centre contre gauche. Celle-ci a justifié sa réticence par l’ignorance dans laquelle le parlement est laissé quant à l’utilisation de cette croissance. Elle a été rejointe par les Verts Libéraux.

Pourquoi la droite est-elle toujours d’accord de financer l’armée et la gauche y est-elle opposée ? Si une menace est réelle, elle doit l’apparaître à tout le monde Mais en fait elle est imprécise. La Russie est manifestement opposée au reste de l’Europe parce qu’elle ne parvient pas ou ne veut pas adopter la forme d’Etat de Droit démocratique. Il est évident qu’elle manigancera toutes manœuvres visant à déstabiliser l’Occident. Quelle forme particulière, cela pourrait-il prendre pour la Suisse ? Pas de risque d’une invasion terrestre de son territoire sans une guerre généralisée contre l’Otan, qui constitue notre plus sûr rempart, sans que nous en fassions partie au nom de la neutralité. Occasion unique de réviser ce mythe fondateur et de définir quelle est l’attitude la plus raisonnable à l’égard de l’Otan. Décision politique lourde de sens.

Sont possibles des cyberattaques sur la Suisse qui ont déjà eu lieu sans doute. Puis la possibilité de la bombarder de missiles. Au Département fédéral de la défense d’évaluer ces risques et de les pallier en priorité.

Le vote de la gauche spécule sur ces incertitudes et témoigne d’une défiance spontanée à l’égard de la capacité de discernement du commandement militaire. La guerre d’Ukraine apporte son lot d’enseignements même pour l’opinion publique : les drones sont des armes redoutables au service des plus faibles ; il existe des armes antichars et des missiles air-sol particulièrement efficaces ; on peut couler à distance un navire de guerre, totalement démuni face à un missile ; une armée de milice peut l’emporter sur une armée de métier grâce à ces nouvelles armes, etc..

Tous partis confondus, on devrait raisonnablement supposer que le Département de la Défense, mieux encore que l’opinion publique, soit attentif à cette évolution, qui va du reste dans le bon sens pour la Suisse. Dès lors pourquoi cette réticence de la gauche ? Pour plusieurs raisons qu’il serait difficile de démêler sans une sérieuse étude sociologique. Par exemple, parmi les hypothèses, l’image rousseauiste de l’homme idéal, bon, paisible, désintéressé, frère de tous les hommes. C’est ce qu’il faudrait que les humains soient. C’est ce que la gauche suppose obscurément qu’ils sont déjà. Dès lors les guerres sont des démentis à cette image d’Epinal. Comme elles ne devraient pas se produire, il est inutile de prévoir une armée.

Symétriquement, l’appui de la droite au budget militaire est un réflexe, ancré dans la vénération des mythes fondateurs, les luttes des milices montagnardes contre les Bourguignons et les Habsbourg. L’armée est dans cette vision le creuset de la nation et doit être soutenue sans réserve.

Au-delà de ces réflexes, tous les pays devront réviser leur politique de défense et y consacrer davantage de ressources. On peut souhaiter que cette révision se fasse dans la transparence et le pragmatisme. Nous venons d’apprendre que la guerre est un fléau sans fin, même dans un continent civilisé. C’est la moindre des choses d’y consacrer un pourcent du budget fédéral. Il eût été souhaitable que le vote sur cet objet ait suscité une unanimité.

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