La guerre en Ukraine a surpris et changé les données en matière de sécurité européenne. La règle pour l’instant est simple : l’agresseur russe n’hésite pas à envahir les territoires qui ne sont pas couverts par l’Otan. Après l’Ukraine ce, sera donc le cas de la Moldavie dont l’insécurité est totale. Le cas de la Finlande est plus compliqué : elle n’adhère pas à l’Otan mais fait partie de l’UE tout comme la Suède. Cela peut faire hésiter un bref instant Poutine dans la mesure où il vise l’extension de son territoire sans aller jusqu’à la guerre mondiale. Peut-être définitivement ? Dans l’incertitude et le flou, ces deux derniers pays demandent ou demanderont d’entrer dans l’Otan.
Où en est la Suisse ? Nulle part, sinon qu’elle proclame sa neutralité. Ce concept parait probablement folklorique à Poutine comme il parut jadis à Hitler à l’égard de la Belgique. Dans la logique de la violence, les concepts juridiques ne servent à rien. Que se passerait-il si, par invraisemblable, (mais il n’y en a plus) la Russie voulait s’en prendre à la Suisse pour la punir des sanctions qu’elle à prise à son égard ? Il n’est pas nécessaire d’y envoyer des chars, il est possible de la bombarder à distance. Personne ne viendrait à notre secours. L’Otan est peureusement confiné à la protection de ses seuls membres et ne courra pas le risque d’une extension de conflit pour ce pays tiers, que nous sommes. La doctrine est bien établie.
« Certains experts suisses évoquent la question de l’adhésion de la Suisse à l’Otan. Il ne doit pas y avoir d’interdiction de penser, a ainsi estimé le président de la Conférence nationale des faîtières militaires Stefan Holenstein dans la NZZ am Sonntag. Pour lui, si la neutralité armée fait partie de l’identité de la Suisse, une adhésion à l’Otan pourrait néanmoins être avantageuse pour la sécurité du pays. Mauro Mantovani, de l’Académie militaire de l’EPFZ, souhaite pour sa part ouvrir le débat sur un rapprochement concret. La défense aérienne suisse pourrait par exemple être intégrée dans le système de l’OTAN. » (TSR Info)
Dans le cadre d’une rationalité politique, la Suisse peut se satisfaire de sa position traditionnelle d’indépendance et de neutralité. Face à un dictateur incontrôlable, cela n’a plus de sens. Notre sécurité dépend déjà en fait de l’Otan, puisque nous sommes entourés de pays qui en font partie. Des chars russes n’arriveraient à notre frontière que dans le cas d’une guerre généralisée. Nous comptons donc sur l’Otan sans le dire. Reconnaissons cette faille pour la combler au plus vite.
Cela ne signifie pas pour autant l’adhésion à l’UE, tabou inviolable de la politique suisse. Mais cela y fait songer. « Selon la SonntagsZeitung, des politiciens bourgeois et de gauche sont également favorables à une collaboration plus étroite avec l’Europe dans le domaine militaire. Même si la Suisse veut rester indépendante, elle doit intensifier sa collaboration avec l’UE, a par exemple indiqué la conseillère nationale Jacqueline de Quattro (PLR/VD). Franzika Roth (PS) demande pour sa part que, dans le cadre des discussions à venir avec l’UE, le Conseil fédéral vise également la signature d’un accord de coopération en matière de politique de sécurité. »
Elargissons la perspective. Nous sommes entrés dans un monde dangereux. En fait nous y étions demeurés en nous le cachant. L’épidémie est déjà venue le rappeler. La guerre accentue, en attendant des formes de disettes qui se profilent. Nous sommes au cœur de l’Europe, nous sommes le cœur de l’Europe, nous sommes un pays multiculturel prototype de ce que l’UE pourrait et devrait devenir. Car les règles du jeu sont désormais simples. Il n’y a de place à la table des négociations économiques ou politiques que pour les grands ou les trublions crédibles.
Notre destin est donc entre les mains de Etats-Unis, de la Chine et de la Russie. Pas de l’UE qui n’a ni armée ni diplomatie. Protégée en dernière instance par le bouclier nucléaire des Etats-Unis. Nous n’avons plus le choix. Ce qui se passe en Ukraine doit servir d’avertissement. Notre indépendance et notre sécurité reposent sur des conventions juridiques, des illusions passéistes, des errements historiques : elles ne sont pas concrètes, réelles, matérielles.
Toutes les questions doivent être ouvertes. Par exemple, à quoi a servi l’aviation militaire ukrainienne face à la brutalité d’une destruction dès la première heure pat une aviation russe bien supérieure ? Quel enseignement peut-il être tiré de la guérilla ukrainienne ? Quelle armée suisse ? Quel équipement ?
La seule évidence est que nous devrons préparer à nous défendre et qu’il fut absurde de proposer notre démilitarisation. Il faudra dépenser plus et mieux pour la défense. Il faudra cesser de parler et agir. La diplomatie ne sert qu’entre gens bien élevés.